A 37 ans, Emilie en a eu marre. Marre de devoir ajuster ses vêtements à la belle saison, dès lors qu’elle avait des rendez-vous avec ses clients. Marre de ce dessin qui ne la quittait plus. Voilà une vingtaine d’années que cette avocate au barreau de Paris vivait avec un imposant tatouage tribal sur l’épaule gauche, un motif spiralé abstrait de 15 centimètres gravé sur sa peau pour fêter l’atteinte de sa majorité. « Je m’en suis mordu les doigts, je finissais par tout faire pour le dissimuler, alors j’ai décidé de m’en débarrasser », raconte-t-elle.
Emilie, qui ne souhaite pas révéler son nom de famille, a alors repéré la Clinique des Champs-Elysées, non loin de son domicile, dans les beaux quartiers de la capitale. Un établissement où les médecins utilisent un laser de détatouage picoseconde, réputé ne laisser aucune cicatrice. Le rayon de lumière produit par l’appareil crée une onde de choc dans l’épiderme, laquelle vient fragmenter les pigments du tatouage. Les impulsions lumineuses permettent aux mini-particules d’encre de passer dans le système lymphatique, pour être en théorie éliminées dans l’urine du patient.
La jeune avocate, d’ordinaire réfractaire à tout acte médical, a été prise en charge par un praticien spécialisé. « Un accueil et un encadrement très professionnels », vante-t-elle au bout de trois séances réalisées à partir de l’été 2023, sur les six qui lui ont été prescrites. Seul détail qui la chagrine, le coût de cette rédemption : 1 800 euros les six rendez-vous, alors que le motif tribal lui avait coûté… 300 euros ! « Un gros budget qui n’est pas à la portée de tout le monde », reconnaît-elle.
En France comme dans le reste de l’Europe, le détatouage connaît un succès grandissant, pour ne pas dire « exponentiel », au dire des établissements qui le pratiquent. Par fougue, naïveté ou inconscience, bon nombre de personnes tatouées ont marqué leur peau du nom d’un être cher ou d’un symbole à la mode, pour finir dans le meilleur des cas par s’en lasser, dans le pire par le trouver insupportable au moment de refaire sa vie ou de passer un entretien d’embauche. Or, le nombre de tatoués augmentant avec le temps, le nombre de repentants s’accroît mécaniquement. Vertigineux, quand on sait qu’en Italie, record du monde selon différentes estimations de la profession, 48 % de la population est tatouée, au Royaume-Uni 30 %, en France seulement 20 %, mais ce score aurait doublé en quinze ans.
Voici donc venu le temps du grand « tattoo blues ». Encore faut-il être prêt à passer à l’acte. D’après la chaîne Clinique des Champs-Elysées, leader du marché dans l’Hexagone avec quatre de ses vingt établissements de médecine esthétique équipés d’un laser de dernière génération (à Paris, Lille, Bordeaux et Rennes), « 23 % des personnes tatouées dans le monde entreprennent de se faire détatouer ». Cela représenterait dix millions de personnes par an, dont trois millions en Europe, où ce marché colossal pèse 1,2 milliard d’euros, selon une étude du cabinet Strategic Market Research de juin 2022. Une manne également pour le groupe de cliniques parisien concurrent Ray Studios, qui a ainsi essaimé à Lyon et à Nantes, mais aussi à Barcelone et à Bruxelles.
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