Depuis plusieurs jours, Gabriel Serville ne décolère pas. Le président de la Collectivité territoriale de Guyane a le sentiment d’un « deux poids-deux mesures » entre la Guyane et la Corse. Le 12 mars, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et les élus de l’île de Beauté se sont mis d’accord sur un texte constitutionnel qui « prévoit la reconnaissance d’un statut d’autonomie de la Corse au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres ».
Or, en Guyane, dès janvier 2020, les élus réunis en congrès ont voté une proposition d’autonomie dans le cadre d’un statut spécifique, dit « sui generis ». Quatre ans plus tard, après trois autres congrès et vingt-six réunions du comité local de pilotage, il n’y a toujours pas eu de discussion avec Paris sur un texte pour inscrire le nouveau statut dans la Constitution.
« Pour la Corse, qui est à 160 kilomètres de la France, on me parle de particularité culturelle, d’insularité », note Gabriel Serville. « La Guyane, qui est à 7 000 kilomètres, et qui a ses vérités propres, mériterait cent fois plus d’être prise pour ce qu’elle est, mais on essaie de nous tourner en bourrique », fustige le président de la Collectivité.
« Une absurdité »
En gestation depuis le projet avorté de « statut spécial » du député guyanais Justin Catayée en 1959, le débat sur l’évolution statutaire refait surface à la fin des années 1990, dans un territoire en pleine expansion démographique, grand comme l’Autriche, en proie à un chômage élevé et limité par le cadre départemental. En 2010, 69,8 % des électeurs rejettent le projet d’autonomie porté par la majorité des élus, dans le cadre de l’article 74.
Le débat est relancé lors de la mobilisation populaire de 2017, qui a duré près de trois semaines. L’évolution statutaire du territoire est alors inscrite dans l’« accord de Guyane », signé avec le gouvernement à l’issue du mouvement social. Elu à la Collectivité, en juin 2021, à la tête d’une coalition ancrée à gauche, Gabriel Serville a fait de l’évolution institutionnelle une priorité.
Emmanuel Macron devrait dire aux élus guyanais qu’il a prévu de rencontrer lundi 25 mars à Cayenne qu’il demeure ouvert à un statut aménagé pour la Guyane, convaincu que l’adaptation à la norme nationale n’est pas allée assez loin. Les évolutions institutionnelles des départements d’outre-mer font l’objet d’une énième mission, en cours. Mais l’exécutif estime que les délibérations du congrès local ne forment pas encore un projet qui puisse être soumis de nouveau à la population.
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