Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault connaissent leurs classiques. L’étoile de l’Opéra de Paris de 1990 à 1998 et le danseur-metteur en scène, partenaires depuis vingt-cinq ans, ne sont pas allés loin de chez eux pour leur nouveau spectacle pour dix-sept interprètes, Giselle(s). Ils ont choisi de revisiter le fameux ballet emblématique Giselle, chorégraphié en 1841 par Jean Coralli. Belle idée, tant leur projet féministe est précisément inclus dans ce monument de la danse dont il ne reste qu’à l’extraire et l’actualiser. A l’affiche le 14 mars de La Seine musicale, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), devant 2 200 spectateurs, Giselle(s), qui tient son sujet mais appuie trop dessus pendant plus de deux heures, a été passionnément applaudi.
L’argument de Giselle, qui se déroule en deux actes, joue sur la trahison. Une paysanne, Giselle, tombe raide amoureuse d’un homme, le prince Albrecht, déjà fiancé par ailleurs à une aristocrate, et qui s’est déguisé en villageois pour la séduire. La supercherie est découverte et Giselle, sous le choc, perd la tête et meurt après une sidérante crise de folie. Elle rejoint au cimetière les Willis, jeunes filles trompées et mortes par amour. Sous la houlette de leur reine Myrtha, elles sortent la nuit de leur tombe et chassent les hommes pour se venger. Giselle sauvera Albrecht.
Scènes de ménage
Tout (ou presque) est donc dans le livret, dont Pietragalla et Derouault reprennent le découpage en deux volets. Ils ont également conservé la musique d’Adolphe Adam, retravaillée électroniquement, qu’ils juxtaposent avec les Tambours du Bronx pour faire grimper le malaise, ce qui n’est pas vraiment nécessaire. Leur premier acte transpose l’histoire aujourd’hui. Dans un registre réaliste avec matelas, poussette et bébé, quatre couples se déchirent et se castagnent. Les saynètes dépotent, avec force portés acrobatiques violents et chutes. On a compris : l’amour finit mal. Les scènes de ménage culminent en violences conjugales, voire en féminicides. On compte les mortes à la sortie.
Le second acte bascule dans un univers fantastique. Il rassemble un groupe de créatures mi-déesses païennes, mi-harpies, en train de se régaler des hommes avec voracité. Oui, ces furies sont cannibales, et rien ne les arrête dans leurs cérémonies tribales. Hurlantes, elles attrapent les hommes et les punissent. Un seul sera pardonné. Entraînées par Myrtha, que danse impeccablement Pietragalla, les Willis se serrent dans des unissons, se disséminent en cercle et diagonales, comme le veut l’acte blanc tout en figures géométriques du ballet classique.
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