LA LISTE DE LA MATINALE
Cette semaine, nous mettons en avant un récit de Reed Brody, le célèbre avocat américain qui a passé seize ans à préparer le procès (réussi) contre Hissène Habré, l’ancien dictateur du Tchad. Mais aussi un long poème du grand poète arabe Adonis ; un souvenir d’enfance pour comprendre ce qu’un narrateur est devenu à l’âge adulte – dans le premier roman de Juliette Willerval – ; une saison en montagne pendant le confinement et la comédie noire qui se joue dans un microcosme autrichien après la seconde guerre mondiale.
RÉCIT. « La Traque de Hissène Habré. Juger un dictateur dans un monde d’impunité », de Reed Brody
Si l’on en croit Hérodote, Pythagore aurait écrit que « celui qui n’accomplit pas avec justice le devoir qui lui a été prescrit peut être considéré comme un violateur de l’ordre général de l’Univers ». C’est précisément à ce « viol » que s’attaque le célèbre avocat américain des droits humains Reed Brody – le « chasseur de dictateurs », comme le surnomme la presse –, qui publie La Traque de Hissène Habré, magnifique récit de la poursuite et du procès de l’ancien dictateur du Tchad.
Hissène Habré (1942-2021) avait accédé au pouvoir en 1982 par les armes, avec la complicité des Etats-Unis et de la France. En huit années – jusqu’à sa chute dans le coup d’Etat d’Idriss Déby (1952-2021) –, il a fait plus de 40 000 victimes, commandité des actes de torture, des exécutions, et développé un usage systématique du viol (qu’il a pratiqué en personne dans ses geôles).
Reed Brody a passé seize ans à construire le dossier, aidé par l’avocate tchadienne Jacqueline Moudeïna, et à arpenter l’Afrique, en particulier le Sénégal, où Habré s’était réfugié en 1990. Le procès s’est déroulé devant un tribunal africain spécial, en 2015, à Dakar, en présence de Habré (boubou blanc, lunettes noires, mutique), de groupes de victimes et d’avocats tchadiens. En mai 2016, le tribunal a condamné Habré à la perpétuité. L. A. Z.
POÉSIE. « Le Louvre, espace de l’alphabet à venir », d’Adonis
Au commencement était le verbe. Et le verbe s’est fait pierre. Adonis lui redonne vie grâce à sa déambulation poétique dans les salles vouées aux antiquités orientales du Louvre, où l’art sumérien côtoie la statuaire mésopotamienne et les splendeurs de l’Egypte ancienne.
En un seul long poème, divisé en sept tableaux, le poète syrien réfugié à Paris convoque ce continent englouti de la culture proche-orientale préislamique : le monde de Gilgamesh et d’Isis, celui des fleuves, le Nil, le Tigre et l’Euphrate, sur les rives desquels est né l’alphabet. « Que dit-on à une civilisation née dans les bras de l’Euphrate et du Tigre quand elle s’est égorgée sur leurs rives ? », déplore le poète.
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