Juin 2022, un ravissant petit château des Yvelines planté au milieu d’un parc arboré. Au pied des marches en pierre s’affairent des techniciens du septième art veste à poches et talkie-walkie à la main. Sur l’allée de gravier, des enfants à la démarche un peu claudicante arrivent au compte-gouttes. Ils sont escortés de leurs parents, parfois de leurs grands-parents ou d’un éducateur spécialisé. Ils sourient et toute l’équipe de tournage de La Nouvelle Femme, le premier film de Léa Todorov, qui sort en salle le 13 mars, les accueille par leur prénom.
Il y a Alice et Baptiste, des jumeaux souffrant de paralysie cérébrale. Alvin, un grand ado lunaire qui a une tendance à s’échapper et à voler les carnets de notes. Et puis Matteo, qui résume, stoïque : « Pour tourner un film, tu attends et puis tu fais ce qu’on te dit. » Il y a aussi Sofia, 6 ans, la fille de la réalisatrice, avec ses lunettes de couleur et son grand sourire. Une maladie génétique rare lui a été diagnostiquée à la naissance. Sa mère, réalisatrice de documentaires, tourne ici son premier long-métrage de fiction.
Le film retrace les premières années de la carrière de la médecin et pédagogue italienne Maria Montessori (1870-1952). La « méthode » à laquelle elle a donné son nom, et qui est aujourd’hui appliquée dans des maternelles et écoles primaires à travers le monde, a été d’abord développée à Rome dans le cadre de son travail auprès de petits « idiots », comme on les appelait alors. Ces enfants neuroatypiques, qui présentent des troubles psychomoteurs et du développement à la sévérité variable, sont au cœur du projet du film. Il offre un écrin à leurs singularités poétiques, à leurs corps abîmés, à leurs regards un peu flottants.
La méthode Montessori appliquée au tournage
C’est au cours d’une résidence que Léa Todorov a « réalisé », dit-elle, que son film ne pourrait exister sans qu’y prennent part des enfants porteurs de handicaps. Elle en rencontre alors une vingtaine, par l’intermédiaire d’associations et de petites annonces postées sur les réseaux de parents. « Nous nous sommes rendu compte à ce moment-là que nous parvenions à établir un lien très puissant avec des enfants qui ont parfois des difficultés importantes et qui ont finalement toujours été exclus », dit-elle.
Rafaëlle Sonneville-Caby, qui incarne à l’écran Tina, la fille d’une cocotte parisienne (Leïla Bekhti) placée en pension aux bons soins de Maria Montessori (Jasmine Trinca), est repérée. Fabienne, sa mère, dit avoir été instantanément séduite par la démarche de la réalisatrice : « Dès la première rencontre avec les autres parents, sur Zoom, Léa parlait du fait qu’elle voulait travailler avec ces enfants dont les profils sortent de l’ordinaire, les révéler, les légitimer, voir ce qu’ils pourraient proposer… Pour nous, qui vivons dans la crainte de remarques et de comportements discriminants à l’égard de notre fille, elle était comme un ovni. Nous connaissons nos enfants, nous savons qu’ils ont des ressources, mais cela rencontre tellement peu d’écho dans la société. Leur prêter des capacités et une ambition avant même de les connaître… On n’en revenait pas. »
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