Les statistiques sur le mal-être des jeunes Français s’affinent : un peu plus de 8 % des enfants de 3 à 6 ans scolarisés en maternelle dans l’Hexagone connaissent au moins une difficulté de santé mentale probable, selon une étude publiée mardi 10 décembre.
Il s’agit de la première enquête nationale sur la santé mentale qui s’intéresse, en France, aux enfants si jeunes. C’est un nouveau volet de l’étude épidémiologique sur le bien-être et la santé mentale des enfants de 3 à 11 ans scolarisés en France hexagonale (Enabee) menée par Santé publique France.
En combinant les points de vue des parents et des enseignants sur un échantillon représentatif de plus de 2 600 enfants, cette étude, menée en 2022, révèle que 8,3 % des enfants en maternelle ont « au moins une difficulté de santé mentale probable, de type émotionnel, oppositionnel ou inattention-hyperactivité, impactant leur vie quotidienne ». Autrement dit, environ 1 enfant sur 12 scolarisé en maternelle en France métropolitaine est concerné.
« Ces données posent la dimension du problème de santé publique », a commenté à l’Agence France-Presse (AFP) Stéphanie Monnier-Besnard, épidémiologiste et cheffe de projet de l’étude Enabee. Mais « ce n’est pas une surprise que les enfants si jeunes puissent rencontrer des difficultés de santé mentale probables, c’est cohérent avec » toutes les observations. Et, a-t-elle noté, « c’est le même ordre de grandeur que les résultats d’études approchantes en France ou dans des pays assez comparables, comme l’Allemagne ou les Etats-Unis ».
Dans le détail, 1,8 % des enfants scolarisés de la petite à la grande section de maternelle présentent des « difficultés émotionnelles », 5,9 % des « difficultés oppositionnelles », 1,9 % des « difficultés d’inattention-hyperactivité », estime l’étude, à partir des données recueillies par questionnaire – en ligne ou par téléphone – entre mai et juillet 2022.
« Même si la sensibilité accrue à la santé mentale peut éventuellement conduire à surestimer un peu certains phénomènes, c’est à mettre en balance avec le fait que la santé mentale des enfants a longtemps été laissée de côté et moins considérée que leur santé physique », a observé Mme Monnier-Besnard. Autre enseignement : les garçons présentent plus de difficultés probables avec un retentissement sur leur vie (11,3 %) que les filles (5,2 %).
« Sur les différences garçons-filles, les résultats sont cohérents avec les observations cliniques des professionnels de santé mentale notamment », a déclaré à l’AFP Nolwenn Regnault, responsable de l’unité périnatalité, petite enfance et santé mentale de Santé publique France.
Nécessité d’intervenir dès le plus jeune âge
Près de 13 % des enfants scolarisés en maternelle ont consulté au moins une fois un professionnel de santé pour des difficultés psychologiques ou d’apprentissage lors des douze mois précédant l’étude. Et environ un tiers des enfants présentant au moins un type de difficulté probable avec un retentissement sur leur vie quotidienne ont consulté un professionnel de santé mentale dans l’année précédente.
« Prudence » cependant sur l’interprétation des résultats, avertit Santé publique France, car « à ces âges précoces, les difficultés de comportement ou émotionnelles peuvent évoluer rapidement et leur mesure est impactée par les perceptions et attentes des adultes répondants ». Et il ne s’agit pas de diagnostics cliniques mais d’une représentation épidémiologique.
Il n’y a « pas de point de comparaison avec l’avant-Covid : Enabee décrit la situation en 2022, une prochaine édition de l’étude permettra de décrire les évolutions du bien-être et de la santé mentale des enfants », a expliqué Nolwenn Regnault.
Sachant que « la santé mentale des enfants est étroitement liée à de multiples facteurs », cette étude « permet de les identifier et de cibler les facteurs pouvant l’altérer et ce, dès la petite enfance, période critique du développement », a insisté la docteure Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France, dans un communiqué.
Cela confirme la nécessité d’intervenir dès le plus jeune âge et d’améliorer les dispositifs d’accompagnement en santé mentale avant 6 ans, selon l’agence, qui évoque, par exemple, les compétences psychosociales. Pour les 6-11 ans, 13 % présentaient au moins un trouble probable de santé mentale, selon le premier volet de l’étude, publié à la mi-2023 et intégrant aussi le regard des enfants. La santé mentale avait été déclarée « grande cause nationale » 2025 par feu le gouvernement Barnier. Un choix favorablement accueilli dans un secteur en crise persistante, où plusieurs voix ont surtout réclamé des moyens suffisants.