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« Pour que la “laïcité à la française” soit mieux acceptée, il faudrait examiner ce que la laïcité exige »

by Marko Florentino
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Vingt après le vote d’une loi globalement accueillie avec soulagement, force est de constater que les espoirs de ses promoteurs ne sont pas réellement comblés puisque nombreux sont ceux, surtout parmi les élèves musulmans, qui la jugent discriminatoire. Face à ce jugement, deux attitudes sont envisageables. L’une consisterait à en répéter le principe, et à inciter à son application de manière plus ou moins coercitive. L’autre serait de partir des sentiments des élèves et admettre, principe de charité, qu’ils ne sont pas dénués de rationalité.

C’est, me semble-t-il, la première attitude qui est à tort privilégiée ; or, conformément à la vulgate dominante selon laquelle la « laïcité à la française » est le meilleur modèle de séparation entre l’Etat et les églises, il convient selon elle de convaincre ceux qui ne sont pas persuadés de ses vertus. Notre modèle laïque s’est en effet construit en partie sur le rejet de la tolérance, le plus souvent considérée comme condescendance, et comme une pratique propre aux sociétés inégalitaires.

Pourtant, la tolérance moderne revêt une autre signification. On trouve son fondement chez John Stuart Mill (1806-1873) dans son ouvrage De la liberté (1859) et la question de la nécessaire intégration des minorités dans les démocraties. Sa défense de la tolérance se fonde sur la valeur de la diversité : il est bon, pense-t-il, qu’existent des « expériences de vie » différentes.

La tolérance compatible avec la laïcité

Il ne s’agit cependant pas d’ignorer la difficulté à tolérer : pas de tolérance sans désapprobation préalable. Aussi, l’une de ses conditions nécessaires est-elle que celui qui tolère ait le pouvoir d’interférer dans la pratique déplaisante et, bien sûr, qu’il renonce à le faire. Et s’il s’abstient, c’est parce qu’après avoir effectué une pondération des raisons en conflit, il lui est apparu que l’interdiction était une solution politiquement et/ou moralement fragile.

La tolérance apparaît ainsi non seulement compatible avec la laïcité mais comme l’une de ses conditions. On pourrait tout aussi bien dire de la laïcité qu’elle institutionnalise la tolérance : une société tolérante accroît ses chances de le rester par la laïcité de l’association politique. Ce n’est évidemment pas en se voulant ennemie de la tolérance que la loi de 2004 a choisi d’interdire.

Mais le fait qu’elle ne soit pas totalement parvenue à remplir sa mission de pacification nous conduit à interroger cette interdiction. On sait que la loi de 1905 admet que la laïcité peut être restreinte pour des motifs d’ordre public. Les « motifs d’ordre public » sont-ils suffisamment consistants, s’agissant du port de signes religieux ostensibles ?

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