
La vaste opération menée dans 66 prisons en France depuis mardi a abouti à la saisie de 164 téléphones, dont 88 téléphones miniatures, a annoncé, jeudi 22 mai, la procureure de la République de Paris. « 367 perquisitions ont été réalisées en détention, 200 personnes détenues ont été entendues, dont 17 sous le régime de la garde à vue, environ 500 téléphones destinés à la vente et plus de 70 000 euros en espèces ont été saisis dans un local de stockage, ainsi que 14 000 euros sur un compte bancaire », a listé dans un communiqué Laure Beccuau. Une « action de phishing » a aussi été déclenchée sur « l’ensemble des téléphones en circulation ».
L’opération, dite « Prison Break », lancée mardi pour saisir ces téléphones, pas plus grands qu’un briquet et pas plus larges qu’une pièce de 2 euros, a également visé des « personnes soupçonnées de revendre » ces « produits de la société Oportik ».
Une information judiciaire pour administration de plateforme permettant des transactions illicites, en bande organisée, a été ouverte et le parquet a demandé la mise en examen et le placement en détention provisoire de deux personnes.
Les investigations sur « cette filière de distribution » en prison des téléphones portables miniatures de « conception chinoise » se poursuivent désormais sous la direction d’un juge d’instruction. L’un des objectifs de l’enquête est notamment de démanteler cette filière d’approvisionnement.
Pour ce qui est des « receleurs d’objets interdits » – soit les utilisateurs des téléphones portables –, le parquet de Paris s’est dessaisi au profit de 55 parquets localement compétents. Selon un bilan provisoire, il y a eu 26 classements sans suite, 21 convocations en audience, 28 comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), 11 poursuites d’enquête, entre autres.
Au tribunal de Paris, une personne devait être jugée jeudi en comparution immédiate pour recel, pour avoir détenu ce type de téléphone au sein de la prison parisienne de la Santé. L’audience a été renvoyée au 30 juin.
Enquête ouverte en octobre 2024
Cette enquête a été ouverte en octobre 2024 par la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris. Selon le communiqué, elle est « née du constat commun que des infractions étaient commanditées au moyen de téléphones depuis la détention » et d’une information de la gendarmerie montrant que des téléphones miniatures de conception chinoise étaient distribués en prison.
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« Prison Break » s’appuie également sur « une enquête [commencée] par la brigade de lutte contre la cybercriminalité (BL2C) sous la direction du parquet de Bobigny, portant sur un fournisseur de ce type de téléphones au sein des établissements pénitentiaires de la région parisienne », selon le communiqué.
« Des écoutes ont permis de confirmer que ces téléphones étaient très majoritairement utilisés pour [commettre des] infractions », a assuré jeudi Mme Beccuau. Dans un premier communiqué mardi, elle soulignait l’existence d’une chaîne commerciale, avec une société chinoise et des revendeurs, et une vente les présentant comme « indétectables aux portiques d’entrée dans les lieux de détention » grâce à un paramétrage « spécifique » de l’outil. Ils étaient « mis en circulation par une société chinoise et revendus en France par le fournisseur Oportik », dont le nom de domaine a été saisi mardi.
« Ce réseau opérait également dans les prisons européennes et bien au-delà des frontières de l’Europe », a affirmé sur LinkedIn Johanna Brousse, cheffe de la section de lutte contre la cybercriminalité.
L’utilisation des téléphones par des détenus alimente fréquemment le débat public : il est interdit d’en posséder pour un prisonnier, mais rien qu’en 2023, 53 000 appareils et accessoires ont été saisis, selon l’administration pénitentiaire. Et en 2024, plus de 40 000, selon les chiffres donnés par le ministère de la justice en janvier.
Ces téléphones peuvent être introduits par des proches au parloir, par des drones, des projections de colis par-dessus les enceintes des établissements pénitentiaires… Ou bien par des complices en détention, aboutissant, quand ces personnes sont identifiées, à des procédures pour corruption contre des agents pénitentiaires.