Au milieu des livres, sous les vastes coupoles ceinturées de rose, les mannequins de la maison Celine sont filmés ce jour-là dans l’un des lieux les plus photogéniques de Paris : la salle Labrouste, considérée comme le joyau du site Richelieu, qui abrite la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Situé à deux pas des jardins du Palais-Royal, au centre de Paris, cet ancien palais du cardinal Mazarin, construit au XVIIe siècle, réunit l’une des plus grandes collections de livres et de revues en histoire de l’art et archéologie au monde : plus de 1,7 million de documents sont déployés sur 4 500 mètres carrés.
Dans un film signé Hedi Slimane, directeur artistique de Celine, les silhouettes de la collection printemps-été 2024 déambulent au milieu des rangées de tables ornées de lampes aux abat-jour en opaline. La salle Labrouste, dont l’architecture a été copiée dans le monde entier, offre un écrin sur mesure à la caméra. C’est comme si on entrait à l’intérieur d’un livre géant. Les rayons du soleil percent les coupoles en forme de robe à crinoline, les coursives débordent d’ouvrages. L’endroit est des plus solennels, il impose sa sérénité.
Un an plus tôt, en février 2022, c’est Maria Grazia Chiuri, directrice artistique des collections femme de Dior, qui avait été invitée par l’INHA à s’exprimer dans un cycle de conférences intitulé : « A quoi sert l’histoire de l’art aujourd’hui ? » Comme beaucoup de designers, d’artistes et de chercheurs, Maria Grazia Chiuri a l’habitude de travailler dans cette vaste salle de lecture. Ce qui peut aussi expliquer qu’en avril 2024, dans le cadre du « Dior Book Tote Club » – des épisodes filmés dans lesquels des personnalités viennent dévoiler leurs livres préférés –, l’actrice Natalie Portman soit venue à son tour passer du temps dans la bibliothèque.
Elégance, clarté et atmosphère de confort
Ce ne sont pas les seuls liens que l’institution entretient avec la mode : ses collections proviennent de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, fondée vers 1910 par le couturier mécène Jacques Doucet (1853-1929), puis donnée à l’université de Paris en 1917. Homme discret de nature, loin de la flamboyance de son contemporain Paul Poiret, Jacques Doucet était un grand collectionneur d’œuvres des XVIIIe et XIXe siècles. Constatant l’absence en France d’une grande bibliothèque spécialisée, il a rassemblé une documentation d’une ampleur extraordinaire.
« Son ambition était énorme, souligne Eric de Chassey, directeur général de l’INHA et professeur d’histoire de l’art à l’Ecole normale supérieure de Lyon. Il avait entrepris de constituer une bibliothèque universelle de référence sur les arts visuels – photographie, mode, architecture, archéologie – et, dès sa création, il avait souhaité que celle-ci soit publique. » Dans son aventure, Jacques Doucet s’est entouré d’une vingtaine de spécialistes. « Il envoyait des émissaires jusqu’en Asie, en Chine et au Japon, pour acheter des ouvrages. Il consacrait environ 100 000 francs-or par an à la constitution de ce fonds, ce qui représentait une somme importante [environ 447 700 euros]. »
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