L’atelier de Myriam Mihindou à Ivry, dans le Val-de-Marne, est si plein d’œuvres encadrées ou emballées et de cartons entassés qu’il ne lui reste plus, pour travailler, qu’un pan de mur et deux planches posées sur des tréteaux. Elle s’en inquiète d’autant plus qu’y reviendront, d’ici à la fin de l’année, les pièces présentées actuellement au Musée du quai Branly, à Paris, aux biennales de Lyon et de Gawngju et, un peu plus tard, celles qui forment son exposition « Praesentia » au Palais de Tokyo.
Sur les planches s’accumulent les mots qu’elle écrit avec des fils de cuivre ou de fer de différentes épaisseurs, tordus et noués à l’aide de pinces. Le pan de mur est occupé par trois assemblages de papiers colorés épinglés, œuvres en cours de la série qu’elle appelle « Patrons ». L’allusion à la couture est immédiate.
D’autres « Patrons » sont au Palais de Tokyo, à Paris, en compagnie d’écritures où mots de cuivre et touffes de fil blanc enveloppent des définitions découpées dans un dictionnaire ; de photographies et de vidéos de performances accomplies par l’artiste ; et d’installations sculpturales de grande taille qui emploient la terre modelée et cuite, le savon, le bois et la corde. L’exposition se nomme « Praesentia », mot aux multiples sens, de présence à force, en passant par résolution ou protection. Myriam Mihindou l’a choisi pour cette pluralité de traductions possibles, qui répond à la pluralité de ses modes d’expression.
Celle-ci l’a d’abord tenue éloignée des manifestations officielles d’art contemporain. Née en 1964 à Libreville (Gabon), passée par les Beaux-Arts de Bordeaux, ayant vécu au Maroc, en Egypte et à La Réunion, elle ne cherchait pas à se conformer au modèle de l’artiste professionnelle. « Longtemps, dit-elle, on ne m’a pas comprise parce que j’avais en effet plusieurs modes de travail – et cela dès mes débuts. C’était le film – j’en ai une quarantaine ici, que j’espère avoir un jour le temps de monter. C’étaient les performances, dans la nature. Je les photographiais, non pas pour faire œuvre, mais pour montrer à mes proches que je travaillais vraiment. »
Equilibre impossible
Elle en parle comme d’« esquisses » dont elle ne savait pas alors où elles la conduiraient. « Peu à peu, j’ai réussi à rassembler ces fragments et à les faire communiquer entre eux. » Aussi, plutôt que d’exposition, préfère-t-elle parler de « dépliage ». « C’est un cadeau de pouvoir proposer un dépliage, car il me permet de voir et de comprendre beaucoup mieux ce qui attache les œuvres les unes aux autres. » Se disant « incapable » de travailler par séries, selon le schéma appliqué par beaucoup d’artistes, elle va jusqu’à affirmer : « Je ne construis pas une œuvre : je fais juste ce que je sens devoir faire. Rien n’est prévu. Ce sont des rencontres. Et j’ai toujours respecté le fait que le travail a besoin de suivre plusieurs pistes. »
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