C’est une nouvelle ingérence du propriétaire du réseau social X dans la politique du Royaume-Uni. Le milliardaire américain Elon Musk a réclamé, jeudi 2 janvier, la libération de l’agitateur d’extrême droite britannique Tommy Robinson, récemment condamné par la justice.
Depuis le retour au pouvoir des travaillistes en juillet et les émeutes antimigrants et antimusulmans qui ont secoué le Royaume-Uni cet été, Elon Musk a multiplié les commentaires sur l’actualité britannique, jugeant qu’une « guerre civile » était « inévitable » dans le pays et que les investisseurs étrangers fuyaient désormais le pays.
Il s’en est surtout pris au gouvernement de Keir Starmer, accusé de réprimer trop durement les émeutiers et de diriger « un Etat policier tyrannique ». Mais l’opposition conservatrice s’inquiète également de ses accointances avec le parti anti-immigration Reform UK, dont il a récemment rencontré en Floride le chef, Nigel Farage. Cette fois, c’est à Tommy Robinson qu’Elon Musk, devenu proche du président élu Donald Trump, apporte son soutien. « Libérez Tommy Robinson ! », a-t-il écrit jeudi sur son compte X.
Fondateur d’un groupuscule issu de la mouvance hooligan
De son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon, Tommy Robinson a été condamné fin octobre à dix-huit mois de prison ferme pour avoir violé une décision de justice de 2021 qui lui interdisait de répéter des propos diffamatoires envers un réfugié syrien. « Pourquoi Tommy Robinson est en détention à l’isolement pour avoir dit la vérité ? », a encore affirmé Elon Musk.
Cette figure emblématique de l’extrême droite britannique, fondateur en 2009 de l’English Defence League (Ligue de défense anglaise), groupuscule issu de la mouvance hooligan, a déjà été condamnée à plusieurs reprises ces dernières années, notamment pour troubles à l’ordre public. Suivi par plus d’un million de personnes sur X, dont il avait été banni avant d’y être réintégré après son rachat par Elon Musk, Tommy Robinson a été accusé d’avoir attisé les violences antimigrants de cet été.
Sur X, Elon Musk évoque également une vaste affaire d’exploitation sexuelle de plus de 1 500 jeunes filles dans le nord de l’Angleterre, entre 1997 et 2013. « Au Royaume-Uni, des crimes graves comme le viol nécessitent l’approbation du service du procureur (CPS) pour que la police puisse inculper les suspects. Qui était à la tête du CPS lorsque des gangs de violeurs ont pu exploiter de jeunes filles sans avoir à faire face à la justice ? Keir Starmer », écrit Elon Musk. « Une nouvelle élection devrait être organisée au Royaume-Uni », ajoute-t-il.
Elon Musk s’embarrasse cependant peu des faits : c’est Keir Starmer qui, quand il était responsable des poursuites publiques pour l’Angleterre et le Pays de Galles, en 2013, lança les premières poursuites criminelles contre le gang de Rochdale, au nord de l’Angleterre, un réseau pédocriminel animé en majorité par des Britanniques d’origine pakistanaise.
Attaques à répétition
Ce réseau opérait certes depuis des années mais c’est bien davantage la police du Grand Manchester qu’un rapport indépendant publié début 2024 pointe du doigt pour la lenteur avec laquelle les victimes ont été prises en charge. Selon ce rapport commandé par le maire du Grand Manchester, Andy Burnham, la police ne prenait pas au sérieux, malgré les alertes des travailleurs sociaux, les témoignages des jeunes filles, issues de milieux très défavorisés, victimes des gangs. Quand il était encore chef des poursuites publiques, Keir Starmer a par ailleurs lancé une réforme interne sur la manière dont ce service appréhendait les affaires de viols et de violences sexuelles, pour que les auteurs de ces crimes soient davantage poursuivis et condamnés.
Deux autres scandales de réseaux pédocriminels ont défrayé la chronique ces dernières années, à Rotherham et Telford, impliquant également des agresseurs en majorité d’origine indo-pakistanaise. L’extrême droite britannique et la frange la plus à droite des tories accusent régulièrement les autorités locales et la police d’avoir trop longtemps fermé les yeux de peur d’être accusées de biais racistes.
Le Monde Mémorable
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Découvrir
Le gouvernement Labour a pris le parti de ne pas répondre aux attaques à répétition du milliardaire et businessman américain. Il s’inquiète bien davantage des velléités de M. Musk de financer massivement le parti d’extrême droite britannique Reform UK. Rien dans la loi nationale n’interdit les donations ni ne limite leur montant. La seule condition est que le donateur soit de citoyenneté britannique ou que le versement soit effectué par une entreprise ayant une présence fiscale au Royaume-Uni. Avec quelques dizaines de millions de livres sterling, Elon Musk pourrait tenter une vraie déstabilisation du paysage politique britannique, Reform UK ne comptant que cinq députés mais ayant le vent en poupe dans les sondages (il talonne le Labour et le Parti conservateur avec environ 20 % des intentions de vote).