
Le narcotrafiquant le plus recherché de France depuis son évasion sanglante en mai 2024 a accepté dimanche 23 février sa remise aux autorités françaises, dix personnes de son entourage étant parallèlement arrêtées dans divers lieux.
Arrêté la veille en Roumanie après neuf mois de traque, Mohamed Amra, apparu menotté et en veste de sport noire, a été présenté à une juge à Bucarest. Il « ne reconnaît pas les faits commis, mais souhaite respecter la décision des autorités françaises qui veulent le juger », a déclaré son avocate Maria Marcu à la sortie de l’audience.
Dans le cadre de mandats européens, la procédure pénale de chaque pays s’applique. Le suspect est présenté à un juge local et a la possibilité de faire un recours. Dans ce cas, Mohamed Amra a accepté sa remise. S’ouvre donc un temps d’échanges entre les Etats sur les conditions du transfert, pour qu’il soit réalisé en toute sécurité.
Dans la foulée de son interpellation, dix personnes de l’entourage de Mohamed Amra ont été arrêtées, soupçonnées d’avoir participé à la préparation, à l’évasion et à la fuite du détenu multirécidiviste, a annoncé dimanche la procureure de Paris, Laure Beccuau. Ces personnes ont été interpellées « samedi puis dans la nuit » de samedi à dimanche, a précisé Mme Beccuau dans un communiqué, sans plus de précisions.
« Elles sont suspectées d’avoir participé à la préparation, à l’exécution de l’évasion mais également d’avoir favorisé la dissimulation du fugitif », a-t-elle souligné. La magistrate n’a pas précisé le lieu des arrestations.
Coopération internationale cruciale
L’évasion de Mohamed Amra, surnommé « La Mouche », avait sidéré la France entière et les autorités judiciaires et pénitentiaires. Le 14 mai 2024, un commando l’avait libéré lors d’une attaque ultraviolente d’un fourgon pénitentiaire à la voiture-bélier et aux fusils d’assaut. Deux agents ont été tués et trois autres blessés au péage d’Incarville (Eure).
Le fugitif et ses complices étaient recherchés en France par plus de 300 enquêteurs. La traque s’était aussi organisée au-delà des frontières : Interpol avait émis à la demande de la France un avis de recherche international contre Mohamed Amra. Au moment de son évasion, ce dernier était détenu pour vol avec effraction et association de malfaiteurs, mais également mis en examen à Marseille pour enlèvement et séquestration ayant entraîné la mort.
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La France a alors découvert l’existence de Mohamed Amra : adolescent voyou, condamné pour la première fois à l’âge de 13 ans pour vols aggravés et qui a progressivement « dérivé vers la violence », d’après un rapport de l’Inspection générale de la justice (IGJ) rendu en juillet 2024, pour rejoindre la grande criminalité organisée.
Sa « dangerosité grandissante » n’a pas été évaluée à sa juste mesure alors qu’il est soupçonné d’avoir poursuivi « ses activités de trafic de produits stupéfiants en ayant recours à la plus grande violence » de prison. Son arrestation, saluée par le gouvernement français, a été permise grâce à « la transversalité des services et la convergence des spécialités des enquêteurs, comme des magistrats » qui « ont été les leviers de la conduite des opérations », a souligné Laure Beccuau.
Coloration de ses cheveux
Les policiers roumains, mis en alerte par les enquêteurs français du départ à l’étranger de M. Amra, l’ont « repéré » et arrêté « vers 15 heures près d’un centre commercial », samedi à Bucarest. Ils l’ont ensuite remis à la police chargée de la criminalité organisée. « En dépit du changement de coloration de ses cheveux, l’identification de l’intéressé est confirmée par une reconnaissance faciale et la comparaison d’empreintes digitales », a confirmé la procureure française.
Le garde des sceaux, Gérald Darmanin, a publié dimanche sur son compte X une lettre adressée aux agents pénitentiaires, leur promettant des améliorations de leurs conditions de travail, notamment par la mise en place d’une prison « de haute sécurité » et d’une « police pénitentiaire ».
Cette prison destinée à mettre à l’isolement total les « 100 plus gros narcotrafiquants » doit voir le jour d’ici au 31 juillet. Le ministre souhaite également la création d’un régime de détention exceptionnel, « inspiré des lois italiennes antimafia », pour « les détenus les plus dangereux afin que jamais plus une affaire Amra ne soit possible », a-t-il rappelé dans sa lettre.
« Vous êtes une force essentielle à la paix et à la sécurité de notre pays », a-t-il aussi écrit, redisant sa « reconnaissance » pour leur « engagement quotidien » malgré la « surpopulation carcérale », les « moyens insuffisants », les « locaux vétustes » et le « besoin constant d’équipements et d’armement adaptés aux risques ». Samedi, les familles des deux agents tués, Arnaud Garcia et Fabrice Moello, ont réagi auprès de l’Agence France-Presse, par la voix de leurs avocats, à l’arrestation de Mohamed Amra, évoquant toutes deux un « soulagement ».