
Il refusait de jouer en plein air, d’être tributaire des grenouilles, chats-huants, vents et phalènes : Alfred Brendel n’aura joué qu’une seule fois au Festival de La Roque-d’Anthéron, le 12 août 2008, dans le huis clos du Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, l’année où il a mis un terme à sa carrière, avec un ultime concert, le 18 décembre, dans la salle dorée du Musikverein de Vienne. Au programme, le Concerto n° 9 « Jeunehomme », de Mozart, dirigé par Charles Mackerras.
La fin d’une vie pianistique commencée soixante ans plus tôt et le début d’une autre, qui aura permis au musicien toqué de peinture, de littérature et de philosophie, amoureux d’architecture et de cinéma, de se consacrer à l’écriture d’essais et de poèmes, de donner conférences et classes de maître. Presque jusqu’à sa mort, mardi 17 juin au matin, à son domicile londonien, à l’âge de 94 ans, a annoncé sa famille.
Le petit homme aux lunettes rondes (un look très schubertien), singulier jusque dans ses origines autrichienne, allemande, italienne et slave, incarnation de la tradition intellectuelle viennoise, nous était apparu pour la dernière fois en juin 2008, à l’Auditorium de Lyon. Elégance légèrement guindée, queue-de-pie et nœud papillon jaune pâle, il s’était assis au piano et la musique avait coulé de source, Haydn d’abord, puis Mozart, la Sonate en fa majeur KV 533, jouée dans un flux émerveillé et une pratique insensée de l’évidence.
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