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« Les Carnets de Siegfried » ou la complainte du poète des tranchées

by Marko Florentino
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Hester Gatty (Kate Phillips) et Siegfried Sassoon (Jack Lowden) dans « Les Carnets de Siegfried », de Terence Davies.

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

En septembre 2021, lorsque Benediction, méditation sur la vie d’un artiste – le poète anglais Siegfried Sassoon (1886-1967) –, a été présenté au Festival de Toronto, personne n’y a vu une œuvre testamentaire. A 75 ans, son auteur, Terence Davies portait au moins deux projets d’envergure, dont une adaptation du roman inachevé de Stefan Zweig, Ivresse de la métaphore.

La mort du cinéaste britannique, le 7 octobre 2023, alors qu’il travaillait au court-métrage que le Centre Pompidou lui avait commandé à l’occasion de la rétrospective qui lui est consacrée jusqu’au 17 mars, jette une lumière sombre sur Benediction, devenu Les Carnets de Siegfried en traversant la Manche. Cette disparition donne la préséance à la mort, avec laquelle Siegfried Sassoon, enfant gâté de la bonne société, fit amplement connaissance dans les tranchées, entre 1915 et 1917, au point qu’elle ne le lâcha pas d’un pas au long de sa vie, telle que la met en scène Davies.

Dimension funèbre

Il ne faut pourtant pas réduire Les Carnets de Siegfried à sa seule dimension funèbre. Souvent futile, parfois comique, l’existence du poète est un véhicule idéal pour l’auteur d’Emily Dickinson. A Quiet Passion (2016). Il peut ainsi explorer une autre contrée du continent vers lequel il est sans cesse revenu : le passé. La longue vie de Sassoon, mort à 80 ans, est l’occasion de mettre en scène l’accumulation du poids des ans, l’impossibilité de se défaire de certains fardeaux, l’intrication du tragique et du futile. Cette mise en scène passe, comme dans tous les films de Davies, par une élégance sobre – dans les cadres, les mouvements de caméra – qui permet d’aller droit à l’émotion, zébrée d’ironie, voire de burlesque.

Le spectacle des Carnets de Siegfried fait partager la peine inconsolable d’un homme pour qui la guerre fut l’occasion de ses plus grands accomplissements, comme militaire, comme citoyen et comme poète, et une blessure qui ne s’est jamais refermée. Cette élégie est devenue, le temps d’arriver sur les écrans français, l’occasion de célébrer un cinéaste qui a pris sa place parmi les plus grands.

Issu du mariage entre Alfred Sassoon, rejeton d’une grande famille juive de Bagdad, et d’une fille de la gentry anglaise, Siegfried Sassoon préféra embrasser les rites (dont le cricket) de sa famille maternelle plutôt que ceux de son clan paternel, qui avait rejeté Alfred après son mariage. Davies saisit son protagoniste à l’été 1914, à l’approche de la catastrophe. Siegfried (Jack Lowden) assiste à la première londonienne du Sacre du printemps, chorégraphié par Diaghilev. L’exultation de la musique se mêle à la fièvre patriotique, la première est représentée dans toute sa pompe, pendant que l’autre – et c’est un parti pris que Davies tiendra tout au long du film – passe par le montage de bandes d’actualité.

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