Le retour à la normale attendra. On pensait que ce serait pour cette 14e édition de Séries Mania, une fois dissipées les dernières séquelles de la pandémie de Covid-19. Mais les crises internationales et sociales de l’année écoulée impriment leur marque sur la programmation. L’arrêt des productions israéliennes, après le 7 octobre 2023 et les attaques du Hamas, entraîne leur absence, une première à Lille. Les longues grèves de l’an passé – des scénaristes et des acteurs – à Hollywood ont affecté aussi la représentation américaine. C’est le signe que Séries Mania est devenu le miroir de la planète séries, un sismographe qui transcrit les mouvements qui façonnent les productions et leur diffusion à travers le monde.
La série qui fait l’ouverture de l’édition 2024, qui se déroule du 15 au 22 mars, est à cet égard symptomatique. Née dans l’imagination nourrie de science d’un écrivain chinois, Liu Cixin, portée par le dirigeant d’une multinationale américaine, Peter Friedlander, de Netflix, conçue par les créateurs d’un des jalons de l’histoire des séries, Game of Thrones (2011-2019), Le Problème à trois corps donne une forme épique à toutes les angoisses que l’humanité conçoit à l’endroit de son avenir. Dans le sillage de cette superproduction s’engouffrent plus de cinquante séries (elles étaient près de quatre cents à piaffer devant la porte, avant que les sélectionneurs ne fassent leur choix) que l’on pourra découvrir pendant une semaine.
Malgré la propension des grands acteurs du secteur à la standardisation des récits, c’est la diversité qui frappe avant tout dans cette programmation. Diversité géographique, puisqu’on verra comment le thème du duel entre serial killer et profileur s’acclimate en Afrique du Sud (Catch Me a Killer) ou comment angoisse mystique et théorie du complot se mêlent dans les montagnes de Catalogne (La Mesias). Diversité thématique, également. La famille, version nœud de vipères, milieu cultivé jusqu’à tous ses paroxysmes par Jesse Armstrong dans Succession, se décline d’une mosquée (House of Gods) à un club de tennis tenu par Annette Bening et Sam Neill (Apples Never Fall). Et, juste après que Netflix a mis en ligne Supersex, Séries Mania propose un échantillon de corps entremêlés, beatniks qui découvrent les joies et (surtout) les peines de l’amour libre dans So Long, Marianne, ou un couple allemand qui décrète que le temps du polyamour est venu (30 Days of Lust), comme si la fiction entreprenait de contrebalancer le désintérêt croissant pour le sexe que l’on constate de par le monde.
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