L’histoire politique retient 1924 comme l’année de la formation du Cartel des gauches et de son succès retentissant aux élections législatives. Elle fait l’impasse sur un autre événement : la naissance d’une formation politique, le Parti démocrate populaire (PDP), et celle d’un courant de pensée, le courant démocrate, auquel le XXe siècle est redevable d’avancées aussi significatives que les allocations familiales, le salaire minimum, l’Assedic [Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce], l’intéressement et la participation, les aides personnalisées au logement (APL), l’allocation aux adultes handicapés, le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la liberté de l’enseignement ou la construction européenne.
S’il procède d’affluents divers, ce courant se distingue nettement des autres familles de pensée par sa conception de la personne humaine, être social et spirituel auquel l’exercice de la conscience, de la liberté et de la responsabilité ouvre l’accès à l’émancipation, finalité de toute action publique et condition nécessaire d’une société qui concilie un destin commun avec la liberté garantie à chacun.
A une gauche otage de son héritage marxiste qui se donne pour seuls horizons l’égalisation des conditions matérielles et la collectivisation des moyens de production, les démocrates opposent un « supplément d’âme » doublé d’une lucidité sur la multiplicité des aspirations humaines, et leur conviction que la propriété privée est la condition nécessaire à l’expression de la liberté d’initiative et du génie créateur.
Réconciliation franco-allemande
A une droite construite par accumulation de sédiments bonapartistes, conservateurs et nationalistes, ils objectent que la vitalité démocratique repose sur l’association la plus large de citoyens éclairés aux décisions qui sont prises en leur nom, sur la qualité des liens qu’ils tissent entre eux au sein de communautés vivantes, sur la distribution du pouvoir et sa décentralisation en vertu du principe de subsidiarité.
Cette « autre solution » est défendue avec constance et obstination par les visages qui l’ont incarnée et qui forment ensemble une longue chaîne d’esprits visionnaires, convaincus que, dans une France souvent réduite au caricatural clivage gauche-droite, une autre voie est possible. Ce projet politique inaltérable est soutenu, indépendamment des étiquettes partisanes, avec la même vigueur, le même style et parfois les mêmes mots par la génération de l’entre-deux-guerres qui milite pour la réconciliation franco-allemande.
Il vous reste 57.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.