Avant les palmiers de la Californie, les bois de Moselle, rabougris par l’hiver. Sur la commune arborée d’Amnéville, au cœur de ce qui fut le bassin sidérurgique lorrain, se niche la salle du Galaxie, arène de douze mille places devenue, pendant trois semaines de février et mars, la résidence exclusive du groupe Justice et d’une équipe technique de près de quarante personnes. Les Parisiens Xavier de Rosnay et Gaspard Augé y ont préparé intensément leur nouvelle tournée, dont les deux premiers concerts auront lieu, les 12 et 19 avril, à Indio, à 130 kilomètres au sud-ouest de Los Angeles, parmi les têtes d’affiche de Coachella.
Ce festival est sans doute l’un des événements pop les plus prescripteurs (et mondains) des Etats-Unis, l’un des raouts musicaux les plus scrutés au monde. Le duo formé en 2003 y jouera plusieurs morceaux d’Hyperdrama, son très attendu quatrième album, à paraître le 26 avril, huit ans après Woman. Coachella, les deux Parisiens connaissent très bien. Ils y ont déjà été programmés en 2007, 2008, 2012 et 2017. Performances événementielles et souvenirs indélébiles. « Nous avons donné là-bas le premier concert de notre vie, s’enthousiasme encore Xavier de Rosnay, en rappelant que le duo n’avait joué avant cela que des DJ sets. Nous venions juste de terminer notre premier album, ce dont nous n’étions pas sûrs d’être capables. Comme le concert s’était très bien passé, notre euphorie et notre soulagement étaient décuplés. »
En 2006, un an avant, au même endroit, Daft Punk avait donné un show resté dans les annales. Perchés au sommet d’une impressionnante pyramide de lumières et de sons, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, camouflés sous leurs costumes de robots, avaient enflammé et converti un public et des médias américains longtemps rétifs à la culture électro, a fortiori venue d’un autre continent. Dans le livre de la sociologue et historienne Julia Pialat, Ed Banger Records. Une histoire des musiques électroniques françaises (Séguier, 2023), Steve Aoki, un des plus célèbres DJ américains, témoigne : « Quand les Daft Punk ont joué à Coachella, ça a complètement changé ma vie. »
En 2007, c’est par Justice que l’Américain est cette fois secoué. « Ils sont arrivés avec leur son distordu. (…) C’était comme s’ils criaient : “On va faire les choses à notre façon. Et notre manière est abrasive, bruyante dissonante. (…) On ne cherche pas à ce que vous nous aimiez. Et si vous aimez, tant mieux !” Et cette philosophie a tout changé pour moi. Je me suis dit : “C’est mon mouvement ! C’est ça, ma culture ! Je veux en faire partie ! Je veux reprendre le flambeau !” »
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