« Mesdames et messieurs, le 4 juin 1989, le communisme a pris fin en Pologne. » C’est en souriant qu’une célèbre actrice a fait cette déclaration spontanée lors du plus important journal télévisé du pays. La phrase a été citée si souvent qu’elle est devenue légendaire. Après les législatives polonaises d’octobre, on est tenté de paraphraser cette déclaration et de dire : « Mesdames et messieurs, le 15 octobre 2023, le populisme est terminé ! »
Après huit ans au pouvoir (2015-2023), le parti Droit et justice (PiS) en a été chassé. Près de 75 % des électeurs inscrits se sont déplacés, ce qui constitue un record. En 1989, le taux de participation était de « seulement » 62 %.
Pourtant, reprendre le pouvoir après plusieurs années de régime national-populiste ne correspond pas à un changement de gouvernement normal. C’est tout le processus de transformation politique qui doit redémarrer. Comme en 1989, la question de sanctions pour les représentants de l’ancien régime se pose de nouveau.
Le règne du PiS a commencé par une violation de la Constitution, lorsque le gouvernement a pris le contrôle du Tribunal constitutionnel. Et ce n’était que le début de tout le processus de prise de contrôle des institutions de l’Etat, qui, après huit ans, a atteint des proportions très importantes, régulièrement dénoncées par l’Union européenne (UE). De nouvelles lois ont été créées, de nombreux postes pourvus par des affidés du PiS.
Gorbatchev et Trump
Après 1989, aucune punition systématique n’a été infligée aux figures de l’ancien régime en Pologne. Cela a créé de profondes divisions politiques, largement nourries par le PiS, qui vont au-delà de la division entre la gauche et la droite.
Au cours de l’hiver 2023-2024, de nombreux partisans du nouveau gouvernement de Donald Tusk appellent à un bilan sévère des années de populisme. Ils réclament des peines de prison pour les politiciens du PiS qui ont menacé l’Etat de droit. La question se pose alors : la sortie du populisme est-elle plus facile que celle du communisme ? La réponse est malheureusement négative. Pourquoi ?
La première et la plus importante raison est que, contrairement au communisme en 1989, les idées du populisme antilibéral ne sont pas en recul. Au contraire. En 1989, Mikhaïl Gorbatchev, dirigeant de l’URSS et père de la perestroïka, était encore le symbole du crépuscule de l’empire soviétique. Au début de l’année 2024, l’incarnation de l’époque semble être l’ancien président américain Donald Trump, qui, après sa victoire dans l’Iowa et dans le New Hampshire aux primaires républicaines, se lance une nouvelle fois à la conquête du pouvoir. On ne soulignera jamais assez que ce vent idéologique souffle actuellement non seulement de pays comme la Russie et la Chine mais aussi de l’Occident. Des livres, tel le récent essai d’Emmanuel Todd sur La Défaite de l’Occident (Gallimard, 384 pages, 23 euros), sont de l’or idéologique pour des partis comme le PiS. Pour son leader, Jaroslaw Kaczynski, cela signifie une chose : la foi dans la restauration rapide du populisme en Pologne.
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