Nomadisme médical : comportement de certains patients qui multiplient les consultations chez des praticiens différents au sujet d’une même pathologie. En 2024, l’expression prend un tout autre sens au centre d’imagerie médicale Olympe Imagerie d’Antony (Hauts-de-Seine), dans la proche banlieue sud de Paris. Nomadisme médical : déplacements de plus en plus fréquents et longs auxquels sont contraints les patients par temps de désertification médicale.
Voiture garée face au sas d’accès du centre, ticket numéroté bien en main, certains de ceux qui patientent sur les alignements de sièges de la vaste salle d’attente ont parcouru des centaines de kilomètres. Ce jeudi de fin d’hiver, ils ont fait la route depuis Blois (Loir-et-Cher), Orléans (Loiret), Chartes (Eure-et-Loir) ou Sens (Yonne), ils ont grimpé dans un train à Rennes (Ille-et-Vilaine), Nantes (Loire-Atlantique), Niort (Deux-Sèvres), Tours (Indre-et-Loire) ou Poitiers (Vienne). « Certains arrivent même en avion depuis Toulouse, en passant par Orly, sait le docteur Sébastien Tavolaro, radiologue. Ils passent une semaine médicale en région parisienne, enchaînent examens et rendez-vous chez divers spécialistes… »
« Les patients viennent de plus en plus loin, au fur et à mesure des années. Pas seulement pour des IRM, même pour des échographies, complète son confrère et associé, le docteur Alexandre Schull ; 10 % de notre patientèle vit en région Centre-Val de Loire. Ce n’est pas acceptable d’attendre trois mois une IRM à Nantes pour une suspicion de métastases cérébrales ! Nous recevons des gens inquiets qui sont bien contents de passer à 23 heures… » Car pour absorber davantage de patients (230 000 en 2023) et faciliter leurs déplacements routiers, le centre de radiologie est désormais ouvert soirs, week-ends et nuits – quatre par semaine, avec dépassement d’honoraires induit. Les radiologues d’Antony, aux premières loges, observent le tourisme médical (imposé) des Français en France.
Un rendez-vous à minuit
Six millions d’entre eux sont dépourvus de médecin traitant. Dans une quarantaine de départements, l’on recense moins de quarante praticiens (toutes spécialités confondues) pour 100 000 habitants. Indice du vieillissement de la population, mais aussi des distances qui s’étirent entre domicile et médecins : 6 milliards d’euros de frais de transport sanitaires ont été remboursés, sous certaines conditions, par l’Assurance-maladie en 2023, contre 4 milliards en 2012. Une goutte d’eau dans l’océan des déplacements de santé qu’impose un maillage sanitaire distendu.
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