« A l’aide ! », s’écrie un visiteur. Au milieu d’un escalier de l’observatoire de l’aiguille du Midi, à 3 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, une dame essoufflée vient d’être victime d’un malaise. Des agents accourent : quelques minutes assise, et cela va mieux. « A cette altitude, cela arrive régulièrement », reconnaît Benjamin Desmargers, le chef d’exploitation du téléphérique de l’aiguille du Midi, dont le départ est situé dans le centre de Chamonix (Haute-Savoie).
Des touristes du monde entier y défilent : 550 000 en 2023. Il faut dire que la gare d’arrivée, posée telle une station spatiale sur un éperon rocheux, offre un panorama époustouflant sur la chaîne du Mont-Blanc. Eté comme hiver, entre 25 et 50 salariés font tourner ce site, et, tous les soirs, deux techniciens passent la nuit au sommet, tels des gardiens de phare sur le toit des Alpes. « On dort très mal à cette altitude », avoue l’un d’eux. Lorsque les vents violents les empêchent de redescendre, ils restent parfois bloqués plusieurs jours dans ce paysage de roches, de pics et de falaises.
Si la raréfaction de l’oxygène est un risque bien connu associé à la haute montagne, d’autres le sont moins. Qui sait ainsi que l’observatoire de l’aiguille du Midi est situé, en partie, sur une zone à permafrost ? Ces sols rocheux striés par la glace, qui gèlent puis dégèlent selon l’époque de l’année, se rencontrent au-delà de 2 500 mètres. Or, avec l’élévation des températures et la multiplication des épisodes de canicule, la couche « active » du permafrost (celle qui gèle, puis dégèle) devient de plus en plus profonde. Cette évolution peut créer des fissures dans une falaise, déformer un terrain, faire chuter des blocs de pierre ou déstabiliser les infrastructures présentes à ces altitudes.
« Si des compartiments rocheux se détachent en amont du passage de personnes, ou si des fondations commencent à bouger, évidemment, cela représente un danger », explique Ivan Brunet, directeur général d’Alpes Ingé, un bureau d’études spécialisé dans la surveillance des zones à permafrost. Il suit l’aiguille du Midi et y a observé, en quinze ans, des « évolutions très rapides ». Le site est hautement surveillé – et divers travaux de consolidation ont été engagés. Des roches ont, par exemple, été fixées à l’aide de gros clous pour éviter qu’elles ne se fissurent. Des capteurs de température, des fissuromètres, des caméras et un système d’« auscultation automatisée » avec des seuils d’alerte ont été installés. A cela s’ajoutent les surveillances quotidiennes des équipes.
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