LA LISTE DE LA MATINALE
Dans notre boîte à livres cette semaine, les Mémoires d’une féministe intégrale, recueil des textes autobiographiques implacables de Madeleine Pelletier ; le nouveau thriller de Stephen King, qui se lit comme une charge contre l’Amérique trumpiste ; un roman riche en métamorphoses de Boubacar Boris Diop, sur une des victimes du Joola, naufragé au large de la Gambie en 2002 ; un fort volume de Richard Goulet, composé d’études sur de nombreux philosophes de l’Antiquité ; un recueil à la recherche du poème comme forme autonome, signé par Jean-Christophe Bailly.
AUTOBIOGRAPHIE. « Mémoires d’une féministe intégrale », de Madeleine Pelletier
Mis bout à bout, les trois textes autobiographiques de Madeleine Pelletier (1874-1939) qui nous sont parvenus font à peine 70 pages, auxquelles s’ajoute un appareil critique de grande qualité. Mais ce bref ensemble est d’une époustouflante richesse. Rien n’y est héroïsé ou embelli, ni sa propre action militante ni les enjeux de ses luttes : « Je n’aime pas les femmes telles qu’elles sont, pas plus que je n’aime le peuple tel qu’il est. Les mentalités d’esclave me révoltent. »
La vie politique du début du XXe siècle, dans les milieux socialistes et féministes, y est passée au crible d’un regard acéré. La critique est mordante envers les hommes et leur domination, mais aussi à l’égard des bourgeoises qui fréquentent les organisations féministes comme un passe-temps mondain : « Cette atmosphère de ragots me dégoûte. » Les notations éparses de son journal de guerre, tenu du 26 août au 29 septembre 1914, sont un témoignage puissant sur les premières semaines du conflit, le « chauvinisme » débridé qui règne alors, et la sensation d’impuissance de l’autrice.
Mais c’est surtout pour elle-même que Madeleine Pelletier est sans concessions. Lucide jusqu’à la douleur sur ses origines modestes, elle évoque sans détour ses échecs politiques et professionnels, et la manière dont ils l’ont condamnée à l’isolement. Sans la décourager entièrement, entre obstination et désespoir, dans son action comme dans ses écrits : « L’idéal est une illusion, mais sans cette illusion la vie ne vaut pas la peine. » A. Lo.
THRILLER. « Holly », de Stephen King
Stephen King aime prendre son temps. Tel un maquettiste, il construit ses univers pièce par pièce avant d’y piéger ses personnages. Dans Holly, c’est sans se presser qu’il modèle son héroïne, cette Holly Gibney que ses aficionados ont déjà croisée dans plusieurs livres, mais toujours au second plan. Cette fois, elle donne son nom à ce thriller dépourvu de tout élément surnaturel – et qui n’en est que plus effrayant. Devenue détective privée, Holly est embauchée par la mère de Bonnie, jeune femme disparue sans laisser de traces. Elle remonte la piste, découvre d’autres disparitions. Tout converge vers le 93 Ridge Road, rue coquette d’une paisible ville du Midwest. Ici vit un couple d’universitaires à la retraite. Quel rôle ont-ils joué dans ces affaires ?
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