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Sur les traces de Carlos Luis Malatto, l’insaisissable agent de la dictature argentine

by Marko Florentino
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Françoise Erize a passé des années à espérer revoir sa fille Marie-Anne vivante. « Puis, elle a passé des années à espérer que l’on retrouve au moins ses restes pour pouvoir lui donner une sépulture », confie une autre de ses filles, Marie-Noëlle, ravalant un sanglot. Françoise Erize est morte en Argentine, le 27 février, à l’âge de 95 ans. « Elle est partie sans savoir où était Marie-Anne, et cela nous touche au cœur », confie Marie-Noëlle.

L’histoire de cette famille française, installée de longue date en Argentine, renvoie aux années de dictature (1976-1983), cette période où des milliers d’opposants, réels ou supposés, furent enlevés en toute illégalité par des hommes en civil aux ordres de la junte, avant de disparaître. Comme Marie-Anne Erize, le 15 octobre 1976, à San Juan, dans le nord-ouest du pays.

Ce jour-là, cette jeune femme de 24 ans, ancienne top-modèle devenue militante d’un mouvement de gauche (les Montoneros) et défenseuse des pauvres, est enlevée par plusieurs hommes, à la sortie d’un magasin de cycles. La voici bientôt dans les faubourgs de San Juan, à la Marquesita, un centre de loisirs de l’armée, transformé en lieu de détention clandestin. Elle y sera torturée, sans doute violée, puis assassinée. Son corps, comme ceux de milliers d’autres personnes à travers le pays, n’a jamais été retrouvé.

Photo non datée de Marie-Anne Erize, née en Argentine de parents français, qui a disparu le 15 octobre 1976 dans la ville de San Juan (ouest de l’Argentine). Photo non datée de Marie-Anne Erize, née en Argentine de parents français, qui a disparu le 15 octobre 1976 dans la ville de San Juan (ouest de l’Argentine).

La plupart des membres du commando responsable de sa disparition ont été jugés et condamnés dans les années 2010 pour crimes contre l’humanité. L’un d’eux manque toutefois à l’appel : l’ancien lieutenant-colonel Carlos Luis Malatto. Agé aujourd’hui de 74 ans, il vit en Sicile, dans un centre touristique de bord de mer. Quand deux journalistes de La Repubblica l’ont localisé, en 2019, il avait esquivé les questions avant de se retrancher chez lui. Qu’avait-il à cacher ? Est-il lié aux crimes commis autrefois à San Juan ?

Vingt-neuf homicides

A l’époque, Malatto fait partie de l’état-major du 22e régiment d’infanterie de montagne (RIM 22). En tant que chef du personnel (« S1 » dans le jargon interne), il dirige des sous-officiers et se charge des « prisonniers de guerre », autrement dit des « éléments subversifs ». « Dans ce contexte, (…) Malatto a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la subversion », précise le tribunal fédéral de San Juan dans une demande d’extradition.

Les poursuites engagées contre lui en Argentine sont lourdes : quatre-vingt-dix cas d’enlèvement et de torture, vingt-neuf homicides. Pas moins de onze survivants l’accusent nommément de sévices. « Dans la prison, on disait que ceux qui torturaient étaient [le lieutenant Jorge] Olivera et Malatto (…). Le tortionnaire le plus souvent nommé est Malatto », lit-on dans le même document. Des témoins assurent que Malatto et Olivera composaient un tel duo qu’ils étaient surnommés « Malavera », comme s’ils ne faisaient qu’un.

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