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Rome, arène d’un combat du bien et du mal

by Marko Florentino
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Romains en liesse au lendemain de la chute de Mussolini, le 26 juillet 1943, peu avant l’entrée des Allemands dans la ville.

« Dans la maison de mon père » (My Father’s House), de Joseph O’Connor, traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, Rivages, 432 p., 23,90 €, numérique 18 €.

A l’été 1943, telle est l’Italie – carte et faits : une péninsule coupée en deux. Au sud, des territoires libérés par l’avance des troupes alliées débarquées en juillet de la Sicile ; au nord, les zones non libérées, occupées dans l’urgence par la Wehrmacht et la SS. Mussolini ayant été renversé par les siens, de l’Etat fasciste ne subsiste plus, sur le lac de Garde, que le surfascisme hystérique et parodique de la république de Salo. Déclarée « ville ouverte » le 14 août, Rome, à l’exception de l’Etat du Vatican, passe sous contrôle allemand en septembre et le restera jusqu’à sa libération, en juin 1944. Neuf mois durant, ­l’ordre nazi s’impose : rafle de 1 259 juifs préalablement rançonnés, le 16 octobre 1943 ; massacre de 335 otages aux fosses Ardéatines, le 24 mars 1944, en riposte à l’attentat de la via Rasella.

A l’image de l’Armageddon, conflagration apocalyptique (Apo­calypse 16, 16) qui voit s’affronter, pour un ultime combat, les armées du bien et les phalanges du mal, cette période, parmi les plus noires d’une histoire romaine pourtant séculairement habituée, depuis Alaric et Charles Quint, aux sièges, aux prises et aux sacs, se concentre en un singulier face-à-face. Moins celui de Pie XII et d’Hitler que celui de deux hommes de terrain, acteurs directs agissant sur le théâtre des opérations, les mains dans le sang, ce cambouis de l’histoire : l’Irlandais Hugh O’Flaherty (1898-1963) – chapelain de Sa Sainteté, pédagogue et diplomate du Vatican, golfeur et champion de boxe – et l’Obersturmbannführer Herbert Kappler (1907-1978) – SS modèle, figure exemplaire de la « bourreaucratie » hitlérienne. Le premier organisant, de son propre chef, le sauvetage et l’évasion de ceux que le second a pour directive de massacrer : familles ­juives, prisonniers alliés évadés, résistants italiens.

C’est de cette période que s’empare violemment, et sans garde-fou littéraire, l’écrivain irlandais Joseph O’Connor avec son dixième roman, Dans la maison de mon père. Une « maison du père » dont le Christ (Jean 14, 2-3) nous apprend qu’elle comporte « plusieurs demeures », ou autant de manières de vivre la foi et d’agir, au sein de l’Eglise, mais aussi hors d’elle. Composé, sur un mode choral (« Chœur » est d’ailleurs le nom du réseau résistant mis sur pied par O’Flaherty), par un saisissant concert de témoins et acteurs aux voix fortement caractérisées (une contessa aussi mondaine qu’intrépide, une femme de diplomate au courage maladif, un ancien videur de boîte gay devenu garde du corps d’un diplomate homosexuel, lui aussi impliqué, et un restaurateur italien), le roman suit, entre le 19 septembre et le jour de Noël 1943, l’inexorable compte à rebours qui nous rapproche de l’évasion massive de tout un groupe menacé de mort. La maladie soudaine d’un acteur essentiel mettra un temps l’opération en péril, mais le courage doublé du grain de folie fantasque de chaque protagoniste permettra de la mener à bien.

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