« Matisse [est le] sujet le plus discuté depuis quarante-huit heures sur Twitter. Il faut tenir. Il ne doit pas disparaître. » Sur son canal Telegram, mardi 30 avril, Damien Rieu, ex-militant identitaire devenu cadre du mouvement Reconquête ! d’Eric Zemmour, procède au rappel de ses troupes. La sphère d’ultra-droite dont il est l’un des principaux influenceurs a décidé de faire de l’affaire du meurtre de Matisse, 15 ans, tué d’un coup de couteau à Chateauroux, le 27 avril, par un autre mineur, de nationalité afghane, un nouveau symbole.
Comme pour l’affaire de Crepol, dans la Drôme, ou pour le meurtre de la jeune Lola, à Paris, la galaxie identitaire use de ses réseaux tant virtuels que réels pour exploiter au maximum ce « francocide », comme l’a aussitôt nommé Eric Zemmour. Dès le lendemain du meurtre, Damien Rieu multiplie la diffusion d’informations, divulguant par exemple le visage de l’auteur présumé. Il diffuse aussi des kits d’affiches à coller, en reprenant le principe des collages féministes dénonçant les féminicides : « Une feuille par lettre, de préférence en A3. A coller sur une ou deux lignes », qui forment la phrase « Matisse, 15 ans, tué par un Afghan ». « Envoyez vos photos ensuite (…) pour diff. Il faut recouvrir les murs de France. »
La campagne électorale pour les européennes du 9 juin, où sa formation est à la peine dans les sondages, n’est sans doute pas étrangère à cette débauche d’activité. Le 30 avril au soir, Damien Rieu diffuse un nouvel élément : « La juge qui a relâché deux fois le meurtrier de Matisse est membre du Syndicat de la magistrature (extrême gauche). » Cette information, non sourcée – M. Rieu, contacté, a refusé de nous répondre sur sa provenance –, apparaît au même moment sur de très nombreux profils identitaires sur X (anciennement Twitter). Elle semble provenir d’un compte influent de la sphère identitaire, Megamachina.
Ce canal Telegram, tenu notamment par d’anciens rédacteurs du Rouge & Le Noir, publication proche des réseaux de l’extrême droite catholique et maurassienne, a été le premier à publier en fin de journée un court message comportant le nom et la photo d’une juge, accusée, « d’après nos sources internes et externes », d’avoir « décidé par deux fois de la remise en liberté du tueur de Matisse ». « Partagez au maximum », exhorte Megamachina.
« Soutien indéfectible »
Son vœu est vite exaucé. Des milliers de messages diffusent le nom, la photo ou d’anciennes vidéos de la juge mise en cause, assortis de menaces plus ou moins explicites, sur X et d’autres réseaux sociaux, ou sur des sites d’extrême droite comme Riposte Laïque. « Faut retenir ce visage et ce nom IMPERATIVEMENT !!! » ; « Son nom c’est bien. Son adresse c’est mieux » ; « Je la croise, je lui crache sur ses Louboutin à 1 000 euros » ; « Je lui règle son compte moi-même »…
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