Presque tous les Tchadiens ont les yeux rivés sur leur téléviseur lorsque le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, l’air grave, annonce la mort au combat du président Idriss Déby Itno le 20 avril 2021, après plus de trois décennies de règne sans partage. Mais seuls les plus observateurs d’entre eux ont remarqué le jeune militaire de 37 ans, l’air un peu timide, qui se tient à sa droite. C’est pourtant lui, Mahamat Idriss Déby, fils du défunt, que les hauts gradés ont choisi pour succéder à son père.
Lors des obsèques nationales organisées trois jours plus tard, il est assis côté à côté avec le président français Emmanuel Macron, seul chef d’Etat occidental à avoir fait le déplacement. L’image semble appartenir à autre époque. Alors que Paris clame sa volonté de réinventer ses relations avec ses anciennes colonies, la France adoube une nouvelle succession dynastique dans un pays considéré comme un de ses anciens prés carrés.
Arrivé au pouvoir en dehors de tout cadre constitutionnel, avec en héritage cette encombrante proximité avec l’ancienne puissance coloniale, Mahamat Idriss Déby peine depuis à incarner un renouveau. Trois ans après son arrivée au pouvoir, la présidentielle de lundi 6 mai, lors de laquelle il affronte un autre homme de 40 ans, Succès Masra, son premier ministre et principal opposant, n’est pas seulement un moyen de conquérir une légitimité. Il s’agit aussi pour le fils Déby de l’occasion de s’émanciper du lourd héritage paternel.
Une carrière militaire fulgurante
Mahamat Idriss Déby l’assure, dans son autobiographie publiée en amont de la campagne pour la présidentielle, il n’avait en rien l’ambition de diriger son pays, seules les circonstances extraordinaires de la mort de son père l’y ont poussé. « Sûrement pas, je ne veux pas être Président ! », aurait-il d’abord répondu aux généraux lorsque ceux-ci lui ont annoncé sa destinée. « Je n’avais pas d’autre horizon que mon village et ses petits bergers » écrit-il.
Elevé par la mère d’Idriss Déby Itno, il a gardé de ce lien un surnom dont il se dit fier : « Kaka », qui signifie « grand-mère » en arabe tchadien. Après des études au lycée français de N’Djamena, son destin bifurque une première fois lorsqu’il a 21 ans, en 2005. Un hélicoptère de l’armée française se pose dans le village de son père où il passe ses vacances pour l’emmener à l’aéroport d’où un Transall – tricolore, toujours – le conduira dans l’Hexagone poursuivre ses études.
Il n’a pas le temps de terminer sa formation au lycée militaire d’Aix-en-Provence que la menace des rebelles qui fondent sur la capitale en 2006 le rappelle au pays. Il intègre l’armée nationale et entame une carrière fulgurante : promu commandant à 22 ans, il est colonel à 26 puis général à 30 ans.
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