Danseuse, chorégraphe et professeure dont le savoir et l’art nourrissent l’œuvre romanesque qui interroge la création autant que le corps, la grâce et le deuil, Claude Pujade-Renaud est morte samedi 18 mai, à l’âge de 92 ans.
Née le 25 février 1932 à Bizerte, sur la côte tunisienne, où son père, Charles, polytechnicien, est ingénieur pour un grand groupe de BTP, Claude Pujade-Renaud bénéficie d’une scolarité choisie, à Paris, du lycée Victor-Duruy au lycée Camille-Sée. Mais, refusant la voie de la méritocratie scolaire que son père a suivie, Claude, élève modèle, opte en terminale pour l’éducation physique, alors même qu’elle n’a pas de vécu sportif notable, et annonce alors, à 16 ans, qu’elle ne voudra pas davantage du « beau mariage » avec un jeune homme issu des rangs de la bourgeoisie que ses parents envisageaient.
Comme elle est trop jeune pour intégrer l’institut régional d’EPS (Ireps), elle accepte de patienter en hypokhâgne puis en khâgne – ses parents la rêvent agrégée de lettres, d’histoire ou de philosophie –, mais l’ambiance guindée et la concurrence fiévreuse qui y règnent achèvent de renforcer son choix. Dès 18 ans, elle rejoint l’Ireps, donc, et sa formation quasi militaire. Claude pratique le handball et l’athlétisme, en sus de la danse, qui la passionne davantage. Puis elle intègre la maîtrise Janine-Solane et son langage chorégraphique personnel – plus tard, la danse contemporaine la conduit à Londres, puis à New York à l’école de Martha Graham.
Récit de son avortement
Si elle enseigne dès 1954 dans un lycée de Rouen, puis à Versailles, elle persiste à déjouer les destins qui s’esquissent. Une licence de philosophie en Sorbonne, un diplôme de l’école de danse du campus du Connecticut College, plus tard un doctorat de sciences de l’éducation à Paris-VIII-Vincennes, rien ne peut assigner Claude Pujade-Renaud à une seule place.
La jeune femme quitte le secondaire pour le supérieur. Formatrice spécialisée en danse à l’Ireps de 1961 à 1975, puis en poste à l’université Paris-VII, assistante, puis maître assistante, enfin professeure en sciences de l’éducation (1975-1990), elle s’intéresse à la psychopédagogie, confronte l’expression corporelle au langage, bientôt à la littérature.
La tentation n’est pas neuve. A 17 ans, elle a rédigé une nouvelle, L’Indifférent, dont le jeune héros s’émancipe des liens et des sensations convenus qu’il s’efforce d’analyser pour mieux se connaître. Déjà elle aurait pu se voir publiée, mais la satisfaction de son père l’avait amenée à se rétracter. Toujours se soustraire aux assignations.
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