Le mauvais temps ne les a pas arrêtés. Sous leurs parapluies, ils étaient 8 000 cheminots, selon la CGT, à s’être rassemblés, mardi 28 mai, sur la place d’Italie, à Paris. Les organisations syndicales CGT-Cheminots, UNSA-Ferroviaire, SUD-Rail et CFDT-Cheminots ont étendu leurs cortèges sur la chaussée, empêchant toute circulation. Sur fond de mortier pétard et hard-rock, les salariés de toutes les filiales se retrouvaient pour lutter contre la liquidation de Fret SNCF, la société publique historique de transport de marchandises en France, censée être effective le 31 décembre.
« Rien de tel qu’une bonne vieille manifestation pour faire bouger les lignes », sourit Fabien Villedieu, délégué syndical SUD-Rail. C’est bien ce qu’espèrent les cheminots, un an après l’annonce du projet de scission en deux de Fret SNCF par le gouvernement. Une décision qui serait, selon l’exécutif, la seule manière d’éviter que l’entreprise ne fasse faillite en étant acculé au remboursement, sous la contrainte de la Commission européenne, de 5,3 milliards d’euros d’aides d’Etat touchés entre 2007 et 2019.
La solution de « discontinuité » choisie par le gouvernement consiste à faire disparaître la filiale de la SNCF en la remplaçant par deux entités dès le 1er janvier 2025 : l’une consacrée à la conduite des trains de fret, l’autre dans la maintenance des matériels. En parallèle, Fret SNCF, qui capte 50 % du trafic de fret ferroviaire en France, doit céder à ses concurrents « vingt-trois lignes de trains entiers, soit 30 % du trafic (…) ainsi que soixante-deux locomotives », affirmait Clément Beaune, alors ministre des transports, en mai 2023. Une perte qui équivaut à 20 % de son chiffre d’affaires et 10 % de ses effectifs (500 salariés).
Et le démantèlement avance à grands pas. « Quinze flux sur vingt-trois ont déjà été cédés, a assuré la direction de Fret SNCF, mardi. Sept autres le seront avant l’été. Seul le train Perpignan-Rungis échappera à la cession d’ici là. » Les 500 salariés concernés par la cession de leurs liaisons aux concurrents seront répartis dans les filiales de la SNCF, comme celle des TER, en manque de conducteurs.
A ce jour, certains des personnels expulsés du fret public ne savent pas encore où ils vont atterrir après la liquidation. Pour les quelque 4 500 cheminots de Fret SNCF restants, « 4 000 vont travailler pour la filiale de fret et 500 pour celle de la maintenance », précise la direction.
« Montrer ses muscles »
A partir du 1er janvier 2025, ces 4 500 salariés se concentreront exclusivement sur le wagon isolé. Cette activité propose aux industriels de ne charger que quelques wagons avec d’autres entreprises sur un même train, au lieu d’en affréter un entier. Un « groupage de wagons » qui représente 70 % de l’activité de Fret SNCF, mais qui est déficitaire.
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