La Rolls-Royce se fraye un chemin à vive allure au milieu de la circulation chaotique de Marrakech. La voix de Seal, star britannique de la soul, retentit à l’intérieur du véhicule, Rolls noire des temps modernes aux allures de SUV, loin des distinguées Silver Shadow d’antan. Il est midi. Au volant, le judoka Teddy Riner se montre agile, habile, pas perturbé par le code de la route local. « Je suis un filou, sourit-il en conduisant. Et j’aime les belles voitures. » Le soir, pour la troisième séance photo de la journée, cette fois-ci dans une palmeraie située au nord de la ville, il débarquera à toute berzingue, par une route défoncée, au volant d’un coupé Maserati. Difficile de comprendre comment il a pu y glisser ses 2,04 mètres et ses près de 140 kilos.
Le 2 août, au sein du Grand Palais éphémère dessiné par Jean-Michel Wilmotte, Teddy Riner entrera en scène pour, peut-être, le moment le plus important de sa vie : le tournoi olympique de Paris 2024 dans sa catégorie, les plus de 100 kilos. Cinq fois médaillé aux JO (dont l’or en individuel à Londres, en 2012, puis à Rio, en 2016, et par équipes mixtes à Tokyo, en 2021), onze fois champion du monde, le judoka visera, à 35 ans, ce qui pourrait constituer l’acmé d’une vie consacrée à ce sport : l’or à Paris, en individuel et par équipes. Dire qu’il y pense constamment relève de l’évidence. « Je m’entraîne deux fois par jour, tous les jours, confie-t-il derrière le volant. Une séance d’environ deux heures consacrée à la technique de judo proprement dite, une autre à la musculation. J’en ai besoin pour être au top pour les Jeux, il n’y a pas le choix. Alors je serre les dents et les fesses et j’avance. »
Plus tôt dans la matinée, dans le petit hall d’entrée du club marocain où la star s’entraîne, le Flam (deux sites à Marrakech et près de six cents adhérents), Hicham El-Assoudi, président de la ligue régionale de judo, explique qu’il connaît le Français depuis ses 18 ans. Il l’a rencontré au moment où il est devenu champion du monde pour la première fois, en 2007. Un jour, tous deux étaient invités à l’ambassade de France, à Rabat. « Il a écourté la soirée pour aller faire son footing ! C’est un garçon exemplaire dans la façon dont il a mené sa carrière. Quelqu’un doté d’un code moral, qui sait faire son autocritique, fait preuve d’humilité et d’un grand sens de l’humour. Sur un tatami, il sait faire des choses que normalement les gars de son gabarit ne parviennent pas à faire. »
Amoureux du Maroc
C’est donc à Marrakech que l’athlète vers qui tous les regards vont se tourner cet été s’entraîne en cette mi-mai. A l’abri des curieux et de la presse (à l’exception de quelques rares interviews pour la télévision). Au point que les journalistes spécialisés se sont plaints de son attitude auprès de la Fédération française de judo (FFJ). Le judoka regagne parfois la France ou s’envole pour des pays où il peut s’entraîner contre des « gros », comme on dit, des adversaires de sa catégorie. Il se rend alors au Japon, au Brésil ou au Kazakhstan.
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