La puissance de la vague mariniste, dimanche 30 juin, constitue le fait majeur du premier tour des élections législatives. Qu’il s’agisse du nombre de voix (9,4 millions), du nombre de candidats élus dès le premier tour (38) ou du nombre de circonscriptions dans lesquelles il se place en tête pour le second (222), le Rassemblement national (RN) a accumulé une série de records qui reflètent l’élargissement de son audience.
Son gain est mesurable sociologiquement dans l’ensemble des classes sociales et géographiquement sur une large partie du territoire, si l’on excepte les métropoles et les plus grandes villes. Le niveau important de la défiance politique, le rejet de l’immigration, la montée des préoccupations sécuritaires ont servi de carburant au RN, qui, en renonçant à sortir de l’euro, a fini par incarner, pour un tiers des électeurs, un espoir d’alternance.
La difficulté à mettre en place un front républicain digne de ce nom face à un parti classé à l’extrême droite, qui se distingue de tous les autres par sa volonté d’imposer la préférence nationale, reflète la fragilité de ceux qui prétendent contenir la vague : la droite se dérobe, le centre pinaille en invoquant la figure repoussoir de Jean-Luc Mélenchon dont la gauche n’est pas parvenue à s’affranchir. L’émotion et la mobilisation qu’avait suscitées, le 21 avril 2002, la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle appartiennent à l’histoire.
Travail de sape
Au lieu du sursaut espéré, une sorte de lâche résignation se profile, d’autant plus dangereuse qu’elle fait entrer le pays dans une zone de très grande incertitude. L’ensemble du système politique se retrouve sous pression, sans qu’aucun acteur ait pleinement la main, pas même Marine Le Pen, qui, à ce stade, n’est pas assurée de bénéficier d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale le 7 juillet. Le tout se déroule dans un afflux d’émotions négatives, une partie de la large mobilisation des électeurs provenant de leur volonté de contrer ce qu’ils redoutent le plus, les autres voulant en finir avec ce qu’ils ne supportent plus.
De tous les acteurs le président de la République sort le plus abîmé. Le coup de poker de la dissolution annoncée le 9 juin, au soir de la défaite du camp présidentiel aux élections européennes, consistait à renforcer au forceps le bloc central face au danger de l’extrême droite, en achevant de casser la droite et en séparant les sociaux-démocrates de la gauche radicale. L’opération est un échec total. Elle se solde par le torpillage de feu la majorité présidentielle, reléguée en troisième position derrière l’extrême droite, qui s’est élargie, et le bloc de gauche, qui est resté soudé. Le lourd ressentiment des « barons » qui, à l’instar de Gabriel Attal, Edouard Philippe, Bruno Le Maire, François Bayrou, Gérald Darmanin, continuent de se disputer l’espace central mais sans aucune visibilité sur l’avenir, achève de donner un côté crépusculaire à cette fin de règne, trois avant l’échéance de 2027.
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