En 2023, Carlos Alcaraz et Novak Djokovic avaient livré une bataille homérique en finale de Wimbledon, dont le natif d’El Palmar était sorti vainqueur au bout des cinq manches. Un an plus tard, le casting était le même sur le court central du Grand Chelem londonien. Mais le suspense n’a, cette fois, pas duré. En trois sets (6-2, 6-2, 7-6), l’Espagnol de 21 ans s’est débarrassé de son illustre adversaire pour soulever à nouveau le trophée et signer un record de précocité. Jamais un joueur aussi jeune que lui n’avait réussi à remporter Roland-Garros, puis Wimbledon sur une même saison – Björn Borg et Rafael Nadal l’ont fait à 22 ans.
Un exploit parmi d’autres pour Carlos Alcaraz, qui compte à présent quatre Majeurs à son actif. Voilà pour les chiffres. Au-delà d’une ligne de plus sur un palmarès déjà étourdissant pour son âge, restera surtout l’impression laissée sur le court le plus célèbre du monde. Sûr de sa force comme s’il était un résident du All England Lawn Tennis and Croquet Club depuis une vingtaine d’années, l’Espagnol n’a jamais montré de failles jusqu’à 5-4 dans la troisième manche. Soudainement rattrapé par l’événement, il s’est alors mis à aligner les fautes au moment de concrétiser ses trois balles de match.
Djokovic a sauté sur l’occasion pour le pousser au tie-break. Mais Alcaraz n’est pas du genre à se frustrer. Tout sourire, il est retourné au duel et n’a pas raté deux fois l’occasion de plier le match d’un dernier service gagnant. « A 12 ans, je disais que je rêvais de gagner Wimbledon, a-t-il déclaré une fois le trophée en mains. C’est fantastique de jouer sur ce court, c’est le plus beau tournoi au monde pour moi. »
Signe que la finale était attendue comme rarement, le prix des places avait grimpé en flèche une fois les protagonistes connus. A quelques heures des premiers coups de raquette, il fallait débourser plus de 11 000 euros pour trouver un ticket et pouvoir s’asseoir aux côtés des stars de cinéma Steve Carell, Julia Roberts, Benedict Cumberbatch ou Tom Cruise. La princesse de Galles Kate Middleton avait elle aussi fait le déplacement pour la rencontre, signant sa deuxième apparition en public depuis l’annonce de son cancer, en mars.
Pourvu qu’il y ait la coupe
Sur le Centre Court, Alcaraz a bataillé quatorze minutes pour remporter le premier jeu. Puis a continué à mener grand train sa chasse aux trophées. L’Espagnol semble avoir intégré comme personne le fighting spirit (« esprit combatif ») du Big Three – Novak Djokovic, Rafael Nadal et Roger Federer –, dont raffolent les Anglais. A Londres, il a dû batailler cinq sets contre l’Américain Frances Tiafoe au troisième tour et a ensuite égaré une manche en huitièmes de finale, en quart et en demi-finale. Mais comme souvent, Carlos Alcaraz l’emporte à la fin, comme ce fut le cas à Roland-Garros malgré deux duels en cinq sets pour conclure le tournoi, contre Jannik Sinner, puis Alexander Zverev.
L’exploit est de taille, surtout quand il est mené avec un corps grinçant, qui lui offre un point commun de plus avec son compatriote Rafael Nadal. Alcaraz avait ainsi manqué les tournois de Barcelone, Monte-Carlo et Rome avant le grand chelem parisien à cause d’une blessure au bras droit. « Souvent, je ne comprends pas les situations et je me demande pourquoi cela arrive alors que je fais les choses bien : je dors bien, je mange bien, je m’entraîne bien, et les blessures arrivent tout de même », déplorait le protégé de Juan-Carlos Ferrero, fin mai.
Mais peu importe la préparation, pourvu qu’il y ait la coupe pour l’Espagnol, qui n’avait disputé que deux petits matchs sur gazon – au tournoi du Queen’s – avant de se présenter à Wimbledon. C’était toujours deux de plus que Djokovic, venu à Londres dans l’inconnu. Avec une longue genouillère pour protéger un ménisque opéré en catastrophe après une blessure à Roland-Garros, il a été contraint à l’abandon sans disputer son quart de finale.
Ça n’a pas empêché le Serbe de traverser sans encombre le tableau jusqu’à la finale. « Je ne suis jamais allé à l’encontre des experts médicaux qui s’occupaient de ma récupération », assurait Djokovic en cours de quinzaine. La marche espagnole a finalement été trop haute, et le poids de l’histoire a peut-être aussi été un peu lourd. Dimanche, il pouvait devenir l’unique détenteur du record du nombre de Grands Chelems en empochant son 25e pour dépasser l’Australienne Margaret Smith Court (24).
La paire Alcaraz-Nadal en double aux JO
Il avait aussi l’occasion de remporter pour la 8ᵉ fois Wimbledon, comme Roger Federer, et de débloquer un compteur de titres désespérément à l’arrêt en 2024. Ce sera pour une autre fois. « Carlos était vraiment en feu aujourd’hui. Evidemment, ça n’est pas le résultat que je voulais. Particulièrement dans les deux premiers sets, le niveau de mon tennis n’était pas suffisant pour rivaliser, a constaté, beau joueur, le Serbe lors du traditionnel discours d’après-match. Mais Alcaraz mérite absolument d’être le vainqueur aujourd’hui. Donc énormes félicitations à lui pour son tournoi stupéfiant. »
Pas du genre tête brûlée, l’Espagnol est resté humble. « C’est un magnifique honneur de faire partie de ces joueurs qui ont gagné Roland-Garros et Wimbledon la même année, Novak en fait partie. Ce sont des grands champions et je ne me considère pas à leur niveau. »
Roi du gazon et de l’ocre, Alcaraz ne va pas prendre de vacances tout de suite et tenter un improbable triptyque en enfilant de nouveau les chaussures de terre battue pour participer aux Jeux olympiques, à Roland-Garros, à partir du 27 juillet. Successeur désigné du Big Three, il aura encore rendez-vous avec ses glorieux prédécesseurs, dont la fin de carrière approche. Alcaraz sera aligné avec Nadal en double et devrait trouver en Djokovic l’un de ses principaux rivaux en simple.
L’or olympique est le dernier vide dans le palmarès du Serbe, qui en a fait son objectif de la saison. A 37 ans, Djokovic tentera de remplir encore un peu plus une armoire à trophées qui déborde déjà. Avant que Carlos Alcaraz ne le dépasse peut-être un jour en nombre de titres du Grand Chelem. En attendant, ce dernier va se concentrer sur la finale de l’Euro de football entre l’Espagne et l’Angleterre, dimanche soir.