
Le Venezuela entre, lundi 29 juillet, dans une période d’incertitude en raison de la réélection du président Nicolas Maduro. Celle-ci est contestée par l’opposition, qui revendique la victoire, et mise en doute par une partie de la communauté internationale.
Selon des résultats officiels proclamés dimanche soir par le Conseil national électoral (CNE) après le dépouillement de 80 % des bulletins et une participation de 59 % des inscrits, M. Maduro, 61 ans, héritier de l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013), a été réélu pour un troisième mandat d’affilée de six ans avec 5,15 millions de voix (51,2 %). Le candidat de l’opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, obtiendrait un peu moins de 4,5 millions de voix (44,2 %).
Nicolas Maduro a été officiellement proclamé président élu du Venezuela lundi. « Les Vénézuéliens ont exprimé leur volonté absolue en élisant Nicolas Maduro (…) pour la période du mandat 2025-2031. Nous proclamons président de la République bolivarienne du Venezuela Nicolas Maduro Moros », a déclaré le président du CNE, Elvis Amoroso, homme de confiance du pouvoir qui fait partie des personnes sanctionnées par Washington pour leur rôle dans la crise vénézuélienne, lors d’une cérémonie en présence de M. Maduro. « On tente d’imposer un coup d’Etat fasciste et contre-révolutionnaire au Venezuela », a affirmé M. Maduro, lors de son discours au CNE.
Le procureur général du Venezuela, Tarek William Saab, a, lui, accusé lundi la cheffe de l’opposition, Maria Corina Machado, d’être impliquée dans le piratage présumé du système électoral pour « falsifier » les résultats de la présidentielle de dimanche. « La principale personne impliquée dans cette attaque serait le citoyen Lester Toledo (…) avec lui apparaissent comme impliqués le fugitif de la justice vénézuélienne [l’opposant en exil] Leopoldo Lopez et Maria Corina Machado », a déclaré M. Saab, après avoir annoncé l’ouverture d’une enquête.
L’opposition, qui pensait pouvoir mettre fin à vingt-cinq années de pouvoir chaviste, a rejeté le résultat dès dimanche soir. « Nous avons gagné » avec « 70 % des voix ». « Le Venezuela a un nouveau président élu et c’est Edmundo Gonzalez Urrutia », a déclaré la charismatique cheffe de l’opposition, Maria Corina Machado. Déclarée inéligible par le pouvoir, elle avait fait campagne pour ce diplomate discret qui l’avait remplacée au pied levé. « Il ne s’agit pas d’une fraude de plus mais d’une méconnaissance et de la violation grossière de la volonté populaire, a-t-elle ajouté. Nous savons tous ce qui s’est passé aujourd’hui. »
« Notre combat continue »
« Notre combat continue, nous ne nous reposerons pas tant que la volonté du peuple vénézuélien ne sera pas respectée », a déclaré M. Gonzalez Urrutia, ajoutant qu’il n’y avait pas d’appel à manifester.
Des manifestations spontanées ont toutefois éclaté lundi en début d’après-midi dans au moins deux quartiers pauvres de Caracas, à Catia (Ouest) et Petare (Est), ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Criant « Liberté ! Liberté ! » à Petare, plusieurs centaines de personnes ont brûlé des effigies de Nicolas Maduro alors qu’à Catia, les manifestants protestaient en présence de forces policières.
M. Maduro a reçu le soutien de la Chine et de ses alliés habituels – Cuba, le Nicaragua, le Honduras et la Bolivie. Mais les Etats-Unis, l’Union européenne (UE), ainsi que plusieurs pays d’Amérique latine ont exprimé des doutes sur le résultat officiel. Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a réclamé sur X une « transparence totale (…), y compris le décompte détaillé des voix et l’accès aux procès-verbaux des bureaux de vote ».
Même message du côté d’Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, qui, selon son porte-parole Stéphane Dujarric, appelle « à une transparence totale et encourage la publication opportune des résultats des élections avec la répartition par bureau de vote ».
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L’Argentine, le Costa Rica, l’Equateur, le Guatemala, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine et l’Uruguay ont exigé « un réexamen complet des résultats avec la présence d’observateurs électoraux indépendants » et une réunion sous l’égide de l’Organisation des Etats américains, dans une déclaration commune publiée par le ministère des affaires étrangères argentin. En revanche, le Mexique va reconnaître le résultat proclamé par l’autorité électorale, a annoncé son président, Andrés Manuel Lopez Obrador.
Caracas a refusé ou bloqué à la dernière minute de nombreux observateurs internationaux – l’avion de quatre ex-présidents d’Amérique latine a été retenu au Panama vendredi –, en plus d’avoir retiré en mai son invitation à l’UE.
M. Maduro, lui, est sorti sur une scène près du palais présidentiel de Caracas, vêtu d’un survêtement aux couleurs du pays, pour fêter sa victoire avec ses partisans chantant « Vamos, Nico ! » (« allons-y, Nico »).
« Il y aura la paix, la stabilité et la justice. La paix et le respect de la loi. Je suis un homme de paix et de dialogue », a-t-il dit, alors que la campagne et le scrutin se sont déroulés dans une ambiance tendue, l’opposition dénonçant de nombreuses intimidations et arrestations.
Que va faire l’armée ?
Malgré des sondages donnant l’opposition largement en avance et une crise économique sans précédent, M. Maduro, qui s’appuie sur l’appareil militaire, s’est toujours montré sûr de sa victoire. Il avait brandi la menace d’un « bain de sang, d’une guerre civile fratricide, provoquée par les fascistes » en cas de succès de l’opposition.
Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d’Amérique latine, est exsangue : effondrement de la production pétrolière, produit intérieur brut réduit de 80 % en dix ans, pauvreté, systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays.
Le pouvoir accuse le « blocus criminel » des Etats-Unis d’être à l’origine de tous les maux. Washington avait durci leurs sanctions pour tenter d’évincer M. Maduro après sa réélection contestée de 2018, lors d’un scrutin entaché de fraudes selon l’opposition, qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.
« Ils n’ont pas pu nous battre avec les sanctions, les agressions, les menaces ! », s’est-il enflammé dimanche, balayant les réactions en provenance d’Amérique latine.
L’attitude de l’appareil sécuritaire, considéré comme un des piliers du pouvoir depuis la présidence d’Hugo Chavez, ancien militaire, sera déterminante.
« La force armée nationale bolivarienne me soutient », a affirmé M. Maduro récemment. M. Gonzalez Urrutia s’était, lui, dit « convaincu que les forces armées veiller[aient] à ce que la décision [du] peuple soit respectée ».