
« Je vous préviens, docteur, je n’entre dans votre bureau que si vous avez une bonne nouvelle à m’annoncer ! » Evelyne, 83 ans, se veut guillerette, mais sa voix et sa très fine silhouette chancellent un peu lorsque le professeur Sébastien Salas, qui la prend en charge depuis six mois pour un cancer de l’amygdale, vient la chercher dans la salle d’attente du service d’oncologie médicale de l’hôpital de la Timone, de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. « Alors vous pouvez me suivre », lui souffle le médecin avec un sourire, en lui indiquant la direction d’un petit bureau.
Evelyne (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat) est, ce mardi de mai, la troisième des quatorze patients que ce médecin va recevoir entre 9 heures et 14 heures. Avant la tournée des patients hospitalisés, dans l’après-midi. Pour elle, la « première ligne » de traitement a fonctionné, lui annonce-t-il : « Sur le plan clinique, comme sur votre dernier scanner, la régression de la tumeur est complète. » Pourtant, l’octogénaire doute. « C’est vrai ? Mais alors, pourquoi est-ce que je me sens si mal ? Pourquoi est-ce que je n’arrive plus à manger ? Depuis quelques jours, je n’ai plus envie de voir personne. Et même, finit-elle par lâcher, j’ai envie que tout s’arrête. Je crois que j’ai envie de mourir… »
Rien qui surprenne le professeur Salas, qui exerce à la Timone depuis plus de vingt ans. « Pendant les consultations, même quand les nouvelles sont bonnes, la peur de la mort est souvent présente. On en parle, à mots couverts ou ouvertement. Les perspectives de vie et de mort sont étroitement liées. » Cela vaut aussi quand la maladie progresse, dans un service qui prend en charge, pour l’essentiel, des cancers de la sphère ORL, urologiques, des sarcomes des os ou des tissus mous, et des cancers endocriniens et gynécologiques.
Les demandes d’euthanasie, l’exception
« L’oncologie, c’est particulier, témoigne le docteur Jean-Laurent Deville, un autre oncologue du service. Au rythme d’une consultation tous les trois mois, parfois sur plusieurs années, une vraie proximité dans la relation de soin se crée. La mort, on peut l’aborder via les directives anticipées [les déclarations écrites rédigées par les patients avec les souhaits liés à la fin de vie, avec notamment la poursuite ou l’arrêt des traitements médicaux] en discutant de l’incrémentation thérapeutique. Ensuite, si la maladie progresse, et qu’elle devient incurable, certains patients veulent savoir comment ça va se passer à l’arrêt des traitements. Comment leur état va se dégrader… J’explique toujours que ce n’est pas parce qu’on n’a plus de traitement oncologique à proposer qu’on ne s’occupera pas d’eux. »
Il vous reste 76.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.