
Personne ne viendrait, pensait Monique Delafosse, en se présentant à 13 h 30 à l’hôtel de ville de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) pour prendre sa permanence de commissaire-enquêteur. Vendredi 2 février, l’enquête publique commence à peine. Et qui se déplace pour le Sdrif, le schéma directeur de la région Ile-de-France ?
D’ailleurs, qui connaît le Sdrif ? Pas ce couple de retraités de Vincennes (Val-de-Marne) − les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont requis l’anonymat −, une commune huppée de l’Est parisien, venu, avec leur fils de 35 ans, visiter le château voisin, bijou du classicisme. Trois cartes punaisées dans le hall les attirent. « Acheter à Rosny-sous-Bois [Seine-Saint-Denis] est peut-être une bonne idée avec l’arrivée du métro », glisse le père à son fils, dont c’est justement l’idée.
Un homme cherche le bureau des titres d’identité, quand, vers 15 heures, surgit un gaillard à lunettes, sac au dos, le souffle court mais le pas sûr. Lui sait ce qu’est le Sdrif. Aussitôt refermée la pièce où Monique Delafosse patiente derrière un bureau, il déplie une carte de la Seine-et-Marne bien plus grande que lui, bariolée de feutre. Certains traits filent jusque dans la Marne. « Je souffre de la pollution. J’ai recensé les lignes de chemin de fer, leur état, les vingt-sept abandonnées au XXe siècle. Je propose d’en rouvrir », expose-t-il. Diplômé en urbanisme, 42 ans, il milite au Parti communiste français. « Pourquoi ne pas mettre des voyageurs sur la ligne de fret d’Esternay [Marne] ? »
Sur son plan, la Méridienne 77, une ligne qui relierait Melun à Roissy, est ressuscitée ; le CDG Express, le train direct entre Paris et Roissy-Charles-de-Gaulle, enterré. Héritier de 1 000 mètres carrés de bois au sud de Meaux (Seine-et-Marne), il veut racheter la part de sa tante, qui le rêve constructible, et le classer. Mais, pour ça, il repassera.
A quoi ressemblera l’Ile-de-France de 2040 ? Où vivront les 13 millions de Franciliens, où travailleront-ils, comment se déplaceront-ils, dans vingt ans ? Comment diminuer les émissions de carbone de la première région économique d’Europe, tout en l’adaptant au réchauffement climatique ? Il faut préserver les sols, mais loger encore, réindustrialiser, installer des éoliennes.
C’est à toutes ces questions que doit répondre ce document majeur de planification en cours de révision, sur lequel les citoyens sont invités à s’exprimer jusqu’au 16 mars. Des permanences se tiennent dans les cantons. Une réunion publique est organisée, jeudi 29 février, au Forum des images, à Paris. Un registre numérique est ouvert. Des habitants de Deuil-la-Barre (Val-d’Oise) y déplorent l’exhumation du boulevard intercommunal du Parisis, un projet de 2 × 2 voies des années 1930, « à 1 milliard d’euros », « dont personne ne veut », assure Cindy. A Pontault-Combault (Seine-et-Marne), la densification dérange. Des habitants de la Seine-Saint-Denis rêvent d’un métro à la mairie de Drancy.
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