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Alain Corbin, Jean-Yves et Marc Tadié, le jeu d’échecs

by Marko Florentino
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« Histoire du silence. De la Renaissance à nos jours », d’Alain Corbin, Espaces libres, « Histoire », 208 p., 8,50 €.

« Le Sens de la mémoire », de Jean-Yves et Marc Tadié, Folio, « Essais », 432 p., 10 €.

« Le Goût des échecs », anthologie d’Aymen Hacen, Mercure de France, « Le petit Mercure », 118 p., 9,50 €.

Fruit du bruit et fille du fracas, l’histoire fait peu de cas du silence – exceptons celui qui signale l’entrée du prince, précède le haro des combats ou nappe le champ des morts. La renommée préfère la trompette, la guerre a ses cris, seule la musique note les silences. Il fallait un enquêteur fieffé comme Alain Corbin, familier des réalités sensibles et des objets paradoxaux (le repos, la joie, le littoral, la douceur de l’ombre ou la fraîcheur de l’herbe) ou des contre-allées historiographiques (prostitution, odeurs et parfums, univers des cloches, vies des anonymes) pour amadouer et capter le silence. Résulte de sa quête Histoire du silence, un herbier de citations précieuses et d’analyse fines qui ne disent pas le silence (comme l’écrivait Georges Bataille, la prononciation de « silence » implique la destruction de son objet) mais en circonscrivent les émergences, en pointent les fonctions. Car le silence n’est pas un chasse-vacarme, l’expulsion des frères potin et tapage, c’est un matériau noble, une présence rare.

Au lieu intime d’ouvrir le bal, garant d’une présence et d’un retour à soi. Une intimité intérieure que nous offrira également le monde naturel : jardin classique, forêt et ruines romantiques ou sublimité des lieux agrestes, et surtout perfection du désert, de sable ou de neige, dont nous parle Fromentin, Saint-Exupéry ou Charles de Foucauld. Mais l’avancée du bruit moderne, comme celle du désert, accule à la réclusion et à ne plus pouvoir trouver le silence qu’en soi, dans ce lieu ultime de l’intériorité spirituelle. D’où l’importance de tous les « arts de se taire » (abbé Dinouard) et des spiritualités silencieuses, telle celle qui émane de saint Joseph, cet apôtre du silence dont pas un mot n’a filtré dans les Evangiles. Le dernier tiers du livre témoigne de l’envers du décor : négativité du silence peureux, haineux, silence de la prière ultime au Jardin des oliviers. Silence de la fin du monde : « D’un seul coup la nature interrompra ses bruits » (Vigny). La grande leçon de ce livre est que le silence n’est pas un déficit de décibel mais une création, un art : l’homme, seul, « fait » silence.

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