Alors que l’Ukraine se bat depuis deux ans avec la dernière énergie pour repousser l’agression militaire russe, l’assassinat d’Alexeï Navalny dans un bagne du Grand Nord est venu nous rappeler la brutalité et le cynisme sans bornes du régime russe. L’homme engagé dans un combat politique inégal contre la domination de Vladimir Poutine a donné sa vie pour ses idées. Goliath a vaincu David. Mais au-delà de l’affrontement entre les deux hommes, comment mesurer les effets transformateurs de l’action d’Alexeï Navalny sur la société russe depuis deux décennies ?
Aujourd’hui, le legs politique du plus emblématique des opposants et de sa Fondation anti-corruption semble bien fragile. Avec sa disparition, et alors que la chape oppressive est plus lourde que jamais, de nombreux militants et citoyens évoquent la fin de tout espoir de changement démocratique dans leur pays. Des gestes symboliques d’hommage à l’opposant ont fleuri autour des monuments aux victimes des répressions staliniennes dans plusieurs villes du pays. Ils témoignent de l’émotion suscitée par sa disparition mais restent modestes, contenus et empêchés dans un pays où, depuis février 2022, toute protestation publique conduit en prison.
Pourtant, au-delà du destin d’un homme charismatique, aux prises de position contestées, le blogueur indépendant Iouri Doud rappelle que, grâce à Alexeï Navalny, « ce sont des milliers et même des millions de personnes qui ont fait l’expérience de l’injustice, qui s’y sont opposés, qui ont montré leur fierté et qu’ils étaient concernés ». Cette expérience peut-elle rester infructueuse dans la nuit noire du régime russe actuel ?
Premières manifestations et premières répressions
Alexeï Navalny n’agissait pas seul et avait constitué autour de lui un réseau d’activistes déterminés, qui portaient son combat de multiples façons dans les différentes régions du pays. Certains d’entre eux sont aujourd’hui en prison, les autres ont été contraints de quitter la Russie mais, désormais en exil, ils réaffirment leur détermination à poursuivre le combat. Mikhaïl Klimarev, l’un des meilleurs spécialistes des libertés numériques, affirme que, même si Navalny est mort, « cela ne signifie pas que son action s’arrête. Nous savons ce que nous devons faire. Je le sais. Et je continuerai à le faire. Jusqu’à ce que le régime criminel dans mon pays soit détruit ».
Au-delà de leurs plus proches compagnons de route, Alexeï Navalny et son équipe ont contribué à la socialisation politique des jeunes Russes dans les années 2010. Tous les primo-militants qui ont agi à cette période évoquent le rôle des vidéos de Navalny, notamment la fameuse enquête sur la corruption du premier ministre Dmitri Medvedev en 2017, dans l’éveil de leur conscience politique et dans leur découverte des fraudes des élites au pouvoir.
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