- Arcangelo Corelli
Concerti grossi op. 6
Accademia Bizantina Orchestra, Ottavio Dantone (clavecin et direction).

Sur la lancée triomphale de leurs concerti grossi d’Haendel, Ottavio Dantone et son Accademia Bizantina Orchestra poursuivent leur exploration discographique avec Corelli, considéré comme l’initiateur historique du genre concertant. Fougue virtuose, expressivité débridée et jouissance sonore sont au service d’une musique dont les Italiens possèdent naturellement les clés. « Corelli est notre histoire, déclare Dantone. Il nous a appris à parler en musique. Notre langue s’enracine dans ses notes. » La fluidité enchanteresse des archets solistes, la vivacité et l’homogénéité de la pâte instrumentale tuttiste, la vivacité du jeu dialogué en forme de chassé-croisé offrent une lecture d’une grande liberté (quoique parfaitement maîtrisée), usant des affects dramaturgiques avec un art étourdissant. Marie-Aude Roux
- Maurice Ravel
Intégrale de l’œuvre pour piano solo
Keigo Mukawa (piano).

Rares sont les pianistes que l’on peut authentiquement qualifier de « ravéliens ». Keigo Mukawa est de ceux-là. A 30 ans, seulement, ce Japonais formé à Paris prouve, avec ce double CD, qu’il possède d’instinct la musique de Maurice Ravel. Il ne la dote d’aucune séduction, lyrique ou contemplative, qui paraîtrait artificielle et fait en sorte qu’elle sonne d’elle-même si bien que, par-delà les années, la personnalité du compositeur ne semble jamais varier. Tendue vers un idéal d’objectivité qui ne saurait se confondre avec de la froideur, l’interprétation de Keigo Mukawa rend sensibles les variations de densité (Pavane pour une infante défunte, tour à tour pesante et allégée), de plasticité (Sonatine acérée) et d’intensité (Jeux d’eau plus lumineux que ruisselants). Nombreuses sont les plages qui suscitent étonnement et admiration. Scarbo n’est plus un morceau de virtuosité à couper le souffle, mais une projection cinématographique qui tient en haleine. Et la Toccata du Tombeau de Couperin, qui clôt ce parcours d’anthologie, confirme qu’avec Mukawa, tout est dans le toucher, du doigt jusqu’à la pédale. Pierre Gervasoni
- Pierre-François Blanchard
Puzzled

Pierre-François Blanchard, pianiste au parcours éloquent (Pierre Barouh, Archie Shepp, Marion Rampal…), propose un puzzle de mélodies délicates à Thomas Savy, le plus sous-estimé des clarinettistes (basse) actuels. Blanchard sait que Savy saura s’y glisser à pas de loup et tout dynamiter… Quinze ans d’amitié. Même parcours classique, même morale du jeu, totale inaptitude à la tricherie. Mettant à profit le confinement, Pierre-François Blanchard compose comme un fou des chansons sans paroles, délicieusement sensées. Une par jour, dont celle qui s’appelle Pré vert. Sous son sourcil ombrageux de faux dur, Savy s’immisce en douce dans ces berceuses qu’il subvertit. Charme immédiat, on ne sait qui des deux a inventé, qui est l’invité. C’est d’une rassurante inquiétude, comme ces films de cinéma que l’on dit « muets », alors que l’on parle à tout bout de champ. Disque à faire écouter aux oiseaux. Puzzle pour musiciens-musiciens et, d’évidence, pour les petits enfants. Francis Marmande
Il vous reste 58.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.