Ils ont leur fauteuil de prédilection dans la grande salle surchauffée, le chocolat chaud servi à 16 heures, un personnel attentionné, des animations musicales rompant la monotonie et des congénères avec lesquels échanger sur leur récente opération à la hanche. Tous les jours, ils sont là. Pas à l’Ehpad. Au casino.
Grâce aux retraités, le casino marnais du lac du Der s’est transformé en jackpot. Classé 32e parmi les 202 établissements de jeu de France, il a ouvert depuis dix ans dans le village de Giffaumont-Champaubert (290 habitants), sur les rives d’un lac artificiel, entre Vitry-le-François (Marne) et Saint-Dizier (Haute-Marne), se paie le luxe de devancer ceux d’Antibes ou de Saint-Raphaël, sur la Côte d’Azur. Chiffre d’affaires brut : 22,9 millions d’euros en 2023, en progression de 12 %, grâce à 230 000 entrées annuelles.
Jusqu’en fin d’après-midi – l’heure de filer pour ne pas avoir à rouler de nuit –, les clients ont le visage d’Elisabeth et de Pierre-Paul. Les époux septuagénaires naviguent en habitués dans l’espace où se trouvent les machines à sous du bâtiment contemporain bardé de bois. « Ce n’est pas mon jour », bougonne l’ex-infirmière dans sa veste en peau retournée. Tandis qu’elle joue, lui, l’ancien DRH, discute avec tout le monde, on le prendrait presque pour le directeur. Profitant de l’ouverture sept jours sur sept, le couple, qui vit à un quart d’heure de là, « ne regarde pas à venir », comme il dit. Ni à déjeuner sur place, ce vendredi de fin janvier, comme chaque midi.
« C’est festif, ça nous passe le temps »
« On joue environ 3 000 euros par mois. Un jour, on perd, un jour, on gagne, si on perd trop, on ralentit, assure Elisabeth, assise face à l’écran géant d’une machine à sous. J’aime bien insérer mon petit billet, choisir la mise, c’est amusant. Ici, on se fait plaisir. Il y a l’ambiance, les copains, on est trois couples toujours ensemble. » Pierre-Paul, opinant de la chevelure blanche, trouve que « ça active un peu les méninges », tout de même, ces jeux. S’il se souvient bien des gains (« 500 euros, 1 000 euros de temps en temps, 6 800 euros une fois »), il en relativise la portée : « On ne rentre pas dans notre argent. »
Qu’importe, à ses yeux. « On a une retraite confortable, des économies, pas d’enfants et des neveux qui ne viennent pas, qui ne téléphonent pas, ils sont cons. Tous les ans, je change de voiture, mais on ne peut plus voyager, ma femme a été opérée du cœur. Alors, on claque. C’est malsain, quelque part… Carpe diem ! Ici, c’est festif, ça nous passe le temps. C’est dur de se retrouver à la retraite dans le coin. »
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