Des hommes armés ont attaqué, dimanche 23 juin, des synagogues et des églises orthodoxes dans le Caucase russe, tuant vingt personnes, dont quatre civils, un prêtre orthodoxe et quinze policiers, ont annoncé les autorités, en dénonçant des actes « terroristes ».
Au cours de l’opération antiterroriste, qui s’est terminée lundi matin, « cinq personnes » ont été tuées. « Leur identité a été établie », a fait savoir le Comité d’enquête russe, chargé des investigations, sans préciser si des assaillants étaient toujours en fuite ou non. « En raison de la neutralisation de menaces à la vie et la santé des citoyens, il a été décidé de mettre fin à l’opération antiterroriste » au Daghestan à partir de 5 h 15, heure locale (7 h 15, heure de Paris), a précisé le comité, cité par les agences de presse russes.
La société russe est « consolidée » face au terrorisme, a assuré lundi le Kremlin, le président, Vladimir Poutine, n’ayant pas pris la parole sur le sujet. « La Russie a changé, la société s’est consolidée et de telles manifestations terroristes ne sont pas soutenues par la société, que ce soit en Russie ou au Daghestan », a déclaré le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov, interrogé par la presse sur le fait de savoir si le Kremlin craignait le retour d’une insurrection islamiste dans le pays, comme dans les années 2000 dans le sillage de la deuxième guerre de Tchétchénie.
Les attaques ont eu lieu dans la capitale de la république russe du Daghestan, Makhatchkala, et la ville côtière de Derbent. Le Daghestan est une région à majorité musulmane voisine de la Tchétchénie, également proche de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan. Des opérations antiterroristes y sont régulièrement annoncées par les autorités russes.
Les attaques de dimanche ont visé « deux églises orthodoxes, une synagogue et un check-point de la police », a annoncé le Comité antiterroriste russe, cité par l’agence RIA Novosti. Des représentants juifs, dont le Congrès juif russe, ont affirmé qu’une deuxième synagogue avait aussi été attaquée.
L’identité des auteurs reste inconnue
Un prêtre de l’Eglise orthodoxe russe, âgé de 66 ans, a été tué à Derbent, d’après les autorités. « Plus de quinze policiers ont été victimes de l’acte terroriste » au Daghestan, avait rapporté le dirigeant du Daghestan, Sergueï Melikov, dans une vidéo publiée dans la nuit sur Telegram. Ils « ont protégé les habitants civils (…) au prix de leur vie », avait-il souligné. Dans un précédent bilan, le ministère de l’intérieur du Daghestan évoquait la mort de six policiers, dont celle d’un officier de la garde nationale.
Des individus armés ont également ouvert le feu contre un véhicule transportant des policiers, blessant l’un d’eux à Sergokala, village situé entre Makhatchkala et Derbent, a encore précisé le ministère de l’intérieur local aux agences russes. Aucun élément ne permet de connaître les motivations ou les identités des auteurs de ces attaques, qui semblent coordonnées.
Le Comité antiterroriste russe a annoncé dans la soirée la fin de la « phase active » de l’opération antiterroriste à Derbent. Le Comité d’enquête russe a informé avoir ouvert une investigation criminelle sur des « actes terroristes », sans plus de détails.
« Planter les graines de la haine »
Les synagogues de Derbent et de Makhatchkala ont été incendiées, selon le président du conseil public des communautés juives de la Fédération de Russie, Boruch Gorin. Des images, reprises par les médias russes, montraient un bâtiment en flammes, présenté comme une synagogue.
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Sur d’autres vidéos, on pouvait entendre des coups de feu dans les rues de Makhatchkala, où un important dispositif policier a été déployé. L’authenticité de ces images n’a pas pu être vérifiée par l’Agence France-Presse dans l’immédiat.
M. Melikov a affirmé sur Telegram que « des inconnus [avaient] essayé de déstabiliser la société » dimanche soir. « Nous devons comprendre que la guerre arrive dans nos maisons aussi. Nous le sentions, mais aujourd’hui nous l’affrontons », a-t-il dit. Les autorités vont tenter de retrouver « tous les membres de ces cellules dormantes qui ont préparé [les attaques] et qui ont été préparés, y compris à l’étranger », a-t-il ajouté.
Le grand rabbin de Russie, Berl Lazar, a dénoncé un « crime ignoble », guidé par la volonté de « tuer le plus grand nombre possible d’innocents ». Le patriarche Kirill Ier, chef de l’Eglise orthodoxe russe et fervent soutien du Kremlin, a assuré que l’« ennemi » cherchait à détruire « la paix interreligieuse » en Russie. Son but est de « planter les graines de la haine », a-t-il dénoncé, sans nommer de responsables.
En octobre 2023, des émeutes hostiles à Israël avaient éclaté dans l’aéroport de Makhatchkala. Une foule d’hommes avait envahi son tarmac au moment de l’atterrissage d’un avion en provenance d’Israël, dans un contexte de vives tensions dans le monde, liées au conflit entre Israël et le Hamas.
La Russie a été visée à de multiples reprises par des attentats et des attaques revendiquées par l’organisation djihadiste Etat islamique (EI), même si son influence reste limitée dans le pays. En mars, un attentat revendiqué par l’EI au Crocus City Hall, dans la banlieue de Moscou, a tué plus de 140 personnes. Le week-end dernier, plusieurs membres de l’EI ont été tués après avoir pris en otage deux agents pénitentiaires dans une prison du sud de la Russie, selon les autorités.
La Russie a été confrontée à une rébellion islamiste au début des années 2000 dans le Caucase, un mouvement né du premier conflit contre la Tchétchénie séparatiste en 1994-1996. Elle avait été défaite par les forces fédérales russes et, ces dernières années, les incidents armés s’y sont faits rares. Près de 4 500 Russes, notamment originaires du Caucase, ont combattu aux côtés de l’EI en Irak et en Syrie, selon des chiffres officiels.