A sa manière, le directeur artistique du Festival international du film de Locarno (Suisse), Giona A. Nazzaro, est un gymnaste sommé de faire le grand écart dans la programmation, ou, mieux encore, de réussir un exercice de haute voltige : il faut à la fois faire la place aux films défricheurs, tout en répondant aux attentes du grand public.
Plus que jamais, la sélection de la 77e édition de la manifestation, organisée du mercredi 7 au samedi 17 août sur les rives du lac Majeur, s’annonce éclectique (avec un grand nombre d’œuvres suisses). Elle accueille aussi une nouvelle présidente, Maja Hoffmann – qui succède à Marco Solari –, créatrice en 2004 de la Fondation LUMA, structure privée qui soutient la création dans les arts visuels.
Les dix-sept films de la compétition, ainsi que ceux des sections parallèles, devraient apporter leur lot de découvertes, même si le festival suisse prend soin de fidéliser des cinéastes déjà sélectionnés dans le passé. Ainsi deux anciens lauréats du Léopard d’or, Hong Sang-soo (Un jour avec, un jour sans, en 2015) et Wang Bing (Madame Fang, en 2017), figurent dans la compétition. L’infatigable Sud-Coréen (dix-huit films en dix ans) présentera Suyoocheon (By the Stream), où il est question d’un scandale au moment de la création d’un spectacle. Quant au documentariste chinois, il continue d’explorer, avec Qing chun (Ku), les micro-ateliers de confection textile de Zhili, à 150 kilomètres de Shanghai, dans la veine du prodigieux Jeunesse (Le Printemps), découvert à Cannes en 2023.
Parmi les autres longs-métrages éligibles à la statuette fauve, que devra départager le jury présidé par la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner, citons aussi Cent mille milliards, du Français Virgil Vernier ; Akiplesa (Toxic) de la Lituanienne Saule Bliuvaite ; Bogancloch, du Britannique Ben Rivers ; Transamazonia, de la Sud-Africaine Pia Marais ; ou encore Agora, du Tunisien Ala Eddine Slim. Au sein de la section Fuori Concorso, Bertrand Mandico livre son dernier opus autour de la figure barbare de Conann, avec Dragon Dilatation, et, au sein de la section Pardi di Domani, le couple de nouveaux romantiques Caroline Poggi et Jonathan Vinel, dont l’envoûtant Eat the Night est toujours en salle, dévoilera un court-métrage, La Fille qui explose.
Le vent du drame promet de souffler dans Ma famille chérie, de et avec Isild Le Besco (dans la section Fuori Concorso), la réalisatrice française qui, après Judith Godrèche, a dénoncé dans Dire vrai (Denoël, 176 pages, 18 euros) l’emprise qu’a exercée sur elle le cinéaste Benoît Jacquot – sont aussi au casting Elodie Bouchez, Jeanne Balibar, Elie Semoun. Très attendu, le tandem Béatrice Dalle et Abel Ferrara : l’actrice française et le réalisateur italo-américain sont réunis dans La Passion selon Béatrice, du Belge Fabrice Du Welz (dans la section Fuori Concorso), sur les traces de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), auquel Ferrara a par ailleurs consacré un film, Pasolini (2014), sur les derniers jours du cinéaste et poète assassiné en 1975 (interprété par Willem Dafoe).
Il vous reste 33.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.