Quand l’affaire du « Qatargate » éclate, le 9 décembre 2022, c’est tout l’édifice européen qui vacille. Eva Kaili, la vice-présidente grecque du Parlement européen, est arrêtée, avec quatre actuels et anciens parlementaires, soupçonnés d’avoir perçu des pots-de-vin du Qatar et du Maroc, en échange de leur soutien politique dans l’hémicycle. Plus de 800 000 euros en cash sont découverts au domicile de Mme Kaili. Dignes d’une série Netflix, les images des liasses entassées dans un coffre-fort, une sacoche Gucci et d’improbables sacs plastique font le tour du monde.
Si l’enquête ouverte à Bruxelles pour corruption et blanchiment reste en cours – les accusés niant toute malversation –, le mal est fait. La probité des élus européens est questionnée, de même que le contrôle de leurs activités. Le Parlement européen n’est pas l’imprenable forteresse que les citoyens européens sont en droit d’attendre, mais une institution exposée à la corruption et à l’influence étrangère. Mais au-delà du « Qatargate », qu’en est-il du rapport aux règles et aux lois des autres eurodéputés ?
Une enquête pilotée par la plate-forme d’investigation Follow the Money et conduite par un consortium de 24 médias européens, dont Le Monde, révèle que près d’un quart des 704 eurodéputés actuellement en fonction ont été impliqués dans une affaire d’infraction à la loi ou de violation d’un règlement.
Corruption, fraude et harcèlement
Les 253 affaires qui ont pu être identifiées et vérifiées impliquent 163 députés européens, pour des faits qui, dans leur grande majorité, se sont déroulés sous l’actuelle législature (2019-2024), qu’ils aient été commis dans leur pays d’origine ou dans le cadre de leur mandat d’eurodéputé. Elles revêtent des degrés de gravité divers, en couvrant un large spectre allant du vol d’un téléphone portable à la complicité de meurtre, en passant par le détournement de fonds publics européens. Mais ce bilan, inédit à l’échelle européenne, est dominé par trois sujets d’intérêt public majeur : quarante-cinq affaires sont liées à la corruption, et notamment à l’attribution de pots-de-vin (dix-huit cas recensés) ; quarante-quatre, à la fraude et au détournement d’argent ; et quarante-six, au harcèlement moral ou sexuel, un problème dont l’importance serait sous-évaluée, selon une enquête récente de Politico.
Le résultat de cette enquête est un décompte minimal, car toutes les affaires ne sont pas publiques et les crimes et délits ne sont pas poursuivis ou sanctionnés de la même façon en France ou en Hongrie, où l’Etat de droit fait défaut et l’indépendance de la justice n’est pas respectée.
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