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Au Sénégal, Youssef Omaïs, le roi sans héritier du bouillon cube

by Marko Florentino
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Youssef Omaïs devant une usine Patisen, à Dakar, le 8 novembre 2018.

Il est un recoin de Dakar, entre le port et la plage de la Voile d’or, où les portails et les murs gris se colorent d’un jaune et d’un rouge criards. Ce faubourg industriel de la route de Rufisque, avec ses multiples usines peintes aux couleurs de la marque agroalimentaire, est l’antre de Patisen. Et, au milieu, dans une maison discrète, vit son fondateur.

D’autres, sitôt la fortune venue, auraient investi une pompeuse villa du cap Manuel ou un appartement sur la corniche, avec vue imprenable sur l’Atlantique. Mais pas Youssef Omaïs. Sa silhouette longiligne, son front dégarni, son regard soucieux font partie du décor de l’entreprise, l’une des premières du pays, avec ses quelque cinq mille employés et sa large gamme de produits alimentaires qui embaument les cuisines sénégalaises, mais aussi maliennes, guinéennes ou burkinabées.

Dans le Dakar des années 1970, les Omaïs sont connus pour leurs boulangeries, leurs pâtisseries, leurs services traiteur, puis pour un salon de thé couru, Le Bruxelles. Cette famille d’origine libanaise, l’une des très nombreuses du Sénégal, n’est ni riche ni pauvre, mais suffisamment prospère pour subvenir aux besoins de ses douze enfants. Youssef, le huitième, n’a pas 20 ans quand il choisit de délaisser le cyclisme de haut niveau, sa passion, pour intégrer les affaires familiales.

« J’ai senti qu’il y avait quelque chose à faire »

Dix ans après l’indépendance (1960), la jeune république est pleine d’espoir, mais Léopold Sédar Senghor (1906-2001), le président-poète, hérite d’une économie très agricole, peu productive, dépendante (déjà) des importations.

Youssef Omaïs, qui touche à tout, organisant notamment « des réceptions à la présidence et dans les grandes ambassades », constate la domination sur le marché alimentaire d’entreprises européennes, comme le suisse Nestlé. « J’ai senti qu’il y avait quelque chose à faire », raconte l’autodidacte, dans un rare entretien téléphonique accordé au Monde – il « n’aime pas parler de [lui] ». « Je voyais que ces grands groupes se développaient, occupaient le marché. Leurs produits étaient fortement consommés. »

En 1981, il lance d’abord une entreprise de négoce alimentaire, Patisen (contraction de pâtisserie et de Sénégal), concentrée notamment sur les intrants de boulangerie. Puis se lance rapidement dans les produits du petit déjeuner (pâte à tartiner, pâte d’arachide, café en poudre), en rachetant à un Français une usine abandonnée. « Elle est repartie de plus belle, raconte-t-il. Je me suis dit qu’il suffisait de faire de la qualité et un produit adapté au marché, tant au niveau du goût que du prix, mais aussi de la visibilité. » Ce dernier point est sa première grande intuition : la publicité. Comme plus tard sur la route de Rufisque, les couleurs de ses marques se multiplient en ville.

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