
Donald Trump s’est réjoui d’un « grand jour pour la justice ». La Cour suprême américaine, à majorité conservatrice, a autorisé, lundi 7 avril, les expulsions de migrants en vertu d’une loi d’exception utilisée jusqu’alors uniquement en temps de guerre. Le président américain avait eu recours à la mi-mars à l’Alien Enemies Act afin d’expulser vers le Salvador plus de 200 personnes présentées comme des membres présumés du gang Tren de Aragua.
Un juge fédéral de Washington, James Boasberg, avait bloqué dans la foulée pendant quatorze jours toute expulsion de migrants menée sur le fondement de cette loi. Il s’était inquiété des répercussions « incroyablement problématiques » du recours à l’Alien Enemies Act. Donald Trump avait alors appelé à la destitution du juge, provoquant un rappel à l’ordre de la Cour suprême.
Ce texte de loi avait été utilisé jusqu’alors uniquement en temps de guerre et seulement à trois reprises : contre les Anglais en 1812, par le président Woodrow Wilson pendant la première guerre mondiale contre les Allemands et, pendant la seconde, par Franklin D. Roosevelt, notamment pour interner les Japonais et les Américains d’origine japonaise.
« La Cour suprême a confirmé la primauté du droit dans notre pays en permettant à un président, quel qu’il soit, de sécuriser nos frontières et de protéger nos familles et notre pays », a écrit triomphalement Donald Trump sur son réseau Truth Social après la décision.
La Cour suprême a levé les restrictions temporaires imposées par le juge Boasberg, mais principalement pour des raisons techniques liées au lieu de l’audience durant laquelle il a rendu sa décision. Les migrants qui ont intenté une action en justice pour empêcher leur expulsion se trouvent au Texas, alors que l’affaire dont le juge Boasberg a été saisi a, elle, été entendue à Washington. En d’autres termes, la plus haute juridiction du pays laisse la porte ouverte à d’éventuelles contestations de la légalité du recours à l’Alien Enemies Act devant les tribunaux.
L’institution a par ailleurs précisé que les étrangers susceptibles d’être expulsés en vertu de l’Alien Enemies Act devaient pouvoir bénéficier d’une forme de procès équitable. Ils doivent pouvoir « contester leur expulsion », peut-on lire dans la décision, qui précise que « la seule question est de savoir à quelle cour il revient de statuer ».
Le président de la Cour suprême, John Roberts, et quatre autres juges conservateurs ont voté en faveur de la levée de la décision du tribunal d’interdire temporairement les expulsions en vertu de cette loi. D’autres magistrats ont exprimé des opinions dissidentes. « Le président des Etats-Unis a invoqué une loi destinée aux temps de guerre vieille de plusieurs siècles pour emmener des personnes dans une prison notoirement brutale et gérée par un pays étranger », a déclaré la juge Ketanji Brown Jackson. La juge Sonia Sotomayor s’est également inquiétée d’« une menace exceptionnelle pour l’Etat de droit ».
Répit pour Trump dans le dossier d’un Salvadorien expulsé à tort
Dans sa lutte contre l’immigration, Donald Trump a obtenu une autre victoire auprès de la Cour suprême, lundi. Sommée par la justice de ramener dans la journée aux Etats-Unis Kilmar Abrego Garcia, immigré salvadorien expulsé « par erreur » le 15 mars vers le Salvador, son administration a obtenu un répit.
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M. Agrego Garcia, vivant dans le Maryland et marié à une Américaine, a été arrêté le 12 mars par des agents de la police de l’immigration. Il a fait partie des plus de 200 personnes expulsées le 15 mars. L’administration Trump a ensuite reconnu devant la justice que son expulsion résultait d’une « erreur administrative », puisqu’un arrêté d’expulsion à son encontre avait été définitivement annulé par un tribunal fédéral en 2019. Mais elle a affirmé se trouver dans l’impossibilité de réparer cette erreur, Kilmar Abrego Garcia étant désormais détenu dans une prison salvadorienne de haute sécurité, et a assuré qu’il était bien membre du gang salvadorien MS-13.
Huit cartels désignés comme organisations terroristes
Une juge fédérale, Paula Xinis, a balayé les arguments de l’administration Trump, disant n’avoir pas vu de preuve d’appartenance de Kilmar Abrego Garcia à un gang, et exigeant de l’exécutif qu’il « facilite et effectue » son retour sur le sol américain avant le 7 avril, à 23 h 59. L’administration Trump a fait appel de cette décision, mais une cour d’appel fédérale a rejeté ce recours, lundi, à l’unanimité des trois juges.
Or l’administration Trump a ensuite saisi la Cour suprême pour demander l’annulation de la décision de la juge Xinis et au minimum sa suspension le temps qu’elle se prononce sur le fond. Dans un bref arrêt non motivé lundi après-midi, le président de la Cour, John Roberts, a suspendu jusqu’à nouvel ordre la décision de la juge de première instance et donné jusqu’à mardi 17 heures (23 heures à Paris) aux avocats de M. Abrego Garcia pour formuler leur réponse écrite.
Mi-février, le président Donald Trump a désigné huit cartels latino-américains comme organisations terroristes, une qualification qui élargit l’éventail des actions offertes aux autorités américaines luttant contre le crime organisé. Donald Trump avait accusé les personnes expulsées mi-mars sans jugement vers le Salvador d’appartenir au gang Tren de Aragua.
Le président américain a fait de la lutte contre l’immigration clandestine une priorité, parlant « d’invasion » des Etats-Unis par des « criminels venus de l’étranger », et communiquant abondamment sur les expulsions de migrants.