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Aux Invalides, à Paris, les lapins indésirables

by Marko Florentino
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Des lapins de garenne dans le jardin des Invalides.

Tunneliers acharnés

Trop nombreux, déprédateurs, nuisibles… Les lapins de garenne des pelouses de l’hôtel des Invalides, à Paris, ont été sommés de quitter l’ensemble architectural classé monument historique, à la suite d’un arrêté préfectoral du 10 janvier. La Préfecture de police estime en effet que la présence des deux cent cinquante à trois cents lapins du site entraîne « la détérioration des jardins, des canalisations et de la flore » et un effondrement d’une partie des sols causé par « la multiplication des galeries souterraines ». Le coût des dégâts est évalué à 366 000 euros. Par conséquent, depuis le 25 janvier, les indésirables sont capturés, puis relâchés dans un domaine privé à Bréau, en Seine-et-Marne. Les six opérations programmées jusqu’au 29 février sont susceptibles de se poursuivre si l’arrêté est reconduit.

Défendus bec et ongles

Le 14 février, les militants de ­l’association Paris Animaux Zoopolis (PAZ) ont pris fait et cause pour les petits mammifères. Le visage caché derrière un masque de lapin en plastique et armés de pancartes, ils se sont postés rue de Grenelle, côté esplanade des Invalides, à l’entrée nord du Musée de l’armée. La PAZ dénonce l’« opacité » des opérations de capture, un procédé « violent » qui peut causer la mort de certaines bêtes à cause du stress. Les activistes sont également inquiets de la localisation de la zone où les lapins sont relâchés. Le siège de la fédération de chasse de Seine-et-Marne est, en effet, situé dans la commune de Bréau. « Ils vont être chassés tôt ou tard, la question, c’est quand », affirme la cofondatrice de l’association, Amandine Sanvisens.

Espèce en sursis

Depuis 2018, l’association de ­protection des animaux en milieu urbain attaque systématiquement les arrêtés de la Préfecture de police de Paris qui visent à ­classer l’Oryctolagus cuniculus dans les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, et donc d’être chassées. En 2021, le ­tribunal administratif de Paris avait ainsi interdit temporairement aux militaires de l’hôtel des Invalides de tuer les petites bêtes. Si cette colonie de lapins de garenne est considérée comme la plus importante de Paris – après celle du bois de Boulogne –, l’espèce est en déclin. Depuis 2017, elle est même considérée comme quasi menacée en Europe et en danger d’extinction à l’échelle mondiale, selon le Muséum ­national ­d’histoire naturelle.

Plat de résistance

Si l’origine de la colonie actuelle est inconnue, les lapins des Invalides sont déjà entrés dans l’histoire. Pendant la seconde guerre mondiale, un réseau de résistance s’était établi au pied du dôme qui abrite le tombeau de Napoléon Ier et dont la silhouette dorée surplombe Paris. Georges Morin, ancien combattant et résistant, vivait dans le bâtiment avec son épouse, Denise, et sa fille, Yvette. La famille a caché, entre 1942 et 1944, des aviateurs alliés, avant de les transférer avec des faux papiers vers l’Espagne ou l’Angleterre. Denise, qui élevait des lapins pour nourrir les aviateurs, était surnommée par ces derniers « Mammy Rabbit ». La famille est finalement arrêtée par la Gestapo le 5 juillet 1944 et déportée. Une plaque commémore toujours leur action.



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