Starbucks reflète le génie américain pour créer des légendes : celle d’un café qui serait aussi bon qu’en Italie et celle d’un pays où le service est excellent. Tout Français qui vit aux Etats-Unis sait que celui-ci y est exécrable, et même les consommateurs américains, à force de faire la queue, d’être maltraités par des employés non aimables et d’attendre une éternité pour avoir leur gobelet caféiné en carton brûlant, s’en sont aperçus. S’y ajoutent les commandes passées par smartphone qui submergent les employés et rendent l’« expérience » Starbucks invivable.
En conséquence, au premier trimestre 2024, les ventes par magasin ont chuté de 4 % et la fréquentation de 6 %, avec des résultats catastrophiques en Chine, où la compétition est féroce, ainsi qu’aux Etats-Unis. Difficile d’invoquer, comme à la fin 2023, la « mauvaise perception » sur la position pro-israélienne de l’entreprise, même si elle pèse fortement au Moyen-Orient : il y a bien quelque chose de cassé chez Starbucks, dont l’action dévisse alors de 12 %. « De nombreux clients sont devenus plus exigeants quant à l’endroit et à la manière dont ils choisissent de dépenser leur argent », concède le PDG du groupe de l’époque, Laxman Narasimhan.
Le fondateur de l’entreprise, Howard Schultz, du haut de sa statue de commandeur, mène alors la charge sur LinkedIn : « Une attention totale doit être accordée à l’expérience client dans les boutiques », écrit-il, ajoutant que « les dirigeants doivent faire preuve d’humilité et de confiance pendant qu’ils s’efforcent de rétablir la confiance ».
Deux trimestres consécutifs de déception
Las, les résultats du deuxième trimestre, publiés le 30 juillet, sont de nouveau mauvais. Deux trimestres consécutifs de déception : la contre-performance pardonne peu aux Etats-Unis. Des activistes ont pris des participations au capital de l’entreprise pour exiger une restructuration. Mardi 12 août, Laxman Narasimhan est brutalement débarqué, après seize mois seulement de mandat.
Il est ainsi remplacé par Brian Niccol, le patron de la chaîne de restauration rapide Chipotle, spécialisée dans la cuisine d’inspiration mexicaine, et l’action s’envole de 25 % à Wall Street, faisant croître la capitalisation de Starbucks de 20 milliards de dollars (18,2 milliards d’euros). Elle atteint désormais 106 milliards de dollars. Le Wall Street Journal écrit un long article expliquant « Pourquoi le nouveau PDG de Starbucks vaut 20 milliards de dollars ».
A 50 ans, Brian Niccol a fait des merveilles pour redresser une enseigne en perdition, Chipotle, après l’intoxication de centaines de clients et des poursuites fédérales ayant conduit à une amende de 25 millions de dollars. La presse décrit un homme ultrasoucieux du détail, qui commande la moitié de la carte quand il se rend dans ses restaurants, afin d’y inspecter la nourriture. Depuis qu’il a pris la tête de l’entreprise, en 2018, la valeur de Chipotle a été multipliée par sept, tandis que celle de Starbucks progressait de moins de 30 %. Lors de son départ, les investisseurs, cohérents, ont fait baisser en Bourse l’action Chipotle de 7,5 %.
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