Catherine, 68 ans, et son compagnon, tous deux retraités, aiment regarder pousser les arbres qu’ils ont plantés dans leur jardin d’un hameau des Deux-Sèvres. Ils aiment aussi voir grandir leurs petits-enfants au milieu des animaux, du potager et de la balançoire. Mère de trois enfants d’une précédente union, Catherine voit la famille de sa fille chaque semaine. Emmanuelle, 43 ans, Jean-Baptiste, 49 ans, Gabriel, 11 ans, et Lucien, 6 ans (les prénoms ont été changés), habitent « à vingt minutes » de ce « paradis ». « C’est la bonne distance, estime la sexagénaire. Suffisamment proche pour que je sois présente et pas assez pour qu’on m’appelle pour un oui ou pour un non. »
Voilà dix ans, quand Emmanuelle a annoncé à Catherine qu’elle déménageait à Bressuire, mère et fille travaillaient dans le même atelier à Paris, leur ville de toujours, l’une comme infographiste-maquettiste, l’autre en tant que styliste. Gabriel, alors bébé, était là tous les jours. « Je m’en suis beaucoup occupé pendant ses six premiers mois, on a créé des liens assez forts. Je voyais mal mon premier petit-fils partir seul sans moi, lâche la jeune retraitée, pointant là comme une crainte de déracinement. C’était hors de question de ne pas le voir grandir. » A l’époque, elle cherche à déménager à la campagne avec son compagnon. Encouragés par Emmanuelle, ils orientent leur recherche vers les Deux-Sèvres.
« On a plein de copains qui partent au vert, mais ils sont souvent seuls. On est chanceux », estime Emmanuelle, qui peut mener sa vie à la campagne et ses allers-retours hebdomadaires à Paris, notamment grâce au soutien logistique de sa mère. Ses enfants ont créé un lien privilégié avec leur grand-mère. « Je leur raconte des histoires de mon enfance. Le soir, après le goûter, c’est un moment de partage où on se parle avec une certaine confiance, développe Catherine, qui pense avoir trouvé ici, avec son conjoint, un lieu d’ancrage. C’est notre dernière maison. »
Un rapprochement familial, mais à l’envers
Le sociologue spécialiste des seniors Serge Guérin perçoit là un phénomène social, une sorte de rapprochement familial à l’envers. « Avant, les enfants s’éloignaient souvent du lieu où ils étaient nés pour leurs études, le travail… et ils y revenaient plus tard, commence-t-il. Aujourd’hui, les seniors arrivent à la retraite en meilleure santé, avec devant eux, quinze, vingt ou vingt-cinq ans. Ils réfléchissent davantage à cette vie et à ce qu’ils ne veulent pas rater, comme les petits-enfants. »
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