ARTE ET ARTE.FR – JEUDI 16 MAI – SÉRIES
Un coup d’œil sur le catalogue des grandes plates-formes suffit à prouver que les séries ne sont pas seulement américaines ou européennes. Mais comment s’y retrouver entre productions bollywoodiennes et mélodrames latino-américains ? Pour arriver jusqu’à nous, les deux séries que présente Arte ont emprunté des chemins qui ressemblent à ceux du cinéma d’auteur. Sélectionnées au festival Séries Mania, elles ont été acquises par la chaîne franco-allemande, qui est aux séries ce que le circuit art et essai est au cinéma.
Alors que le cinéma iranien est présent dans les salles du monde entier, la production sérielle de la République islamique était jusqu’ici restée cantonnée à une diffusion nationale. En mars 2023, The Actor a conquis le jury de la compétition internationale de Séries Mania, qui a remis son Grand Prix à la série de Nima Javidi. Le choix est avisé, tant The Actor témoigne brillamment de la richesse de la tradition cinématographique iranienne, notamment de son sens de la mise en scène.
Drôles d’enquêtes
Si la série s’intitule The Actor, au singulier, c’est que le terme s’étend au-delà des personnages d’Ali et Morteza, deux comédiens fauchés forcés à la débrouille pour payer le loyer du petit théâtre où ils répètent et jouent un art non officiel – au début de la série, on les voit répéter Le Limier, d’Anthony Shaffer. Outre l’inconfort du statut d’artiste dans ce pays, la série s’emploie à montrer que vivre en Iran revient souvent à devoir jouer un rôle, à prétendre être ce que l’on n’est pas.
En témoignent les prestations auxquelles les deux compères sont réduits pour régler leurs factures, qui consistent à simuler kidnappings, règlements de comptes ou meurtres pour de riches Iraniens désireux de pimenter fêtes d’anniversaire, demandes en mariage et autres occasions. Entre les acteurs professionnels et ceux qui les emploient, il y a la connivence de ceux qui savent s’accommoder d’une société où la suspicion règne.
D’ailleurs, les mises en scène sophistiquées d’Ali et Morteza leur valent d’être repérés par une mystérieuse agence de détectives, qui leur propose diverses missions d’espionnage contre rémunération. Ces drôles d’enquêtes, menées avec l’aide d’une collaboratrice comédienne, brossent avec une lenteur minutieuse le tableau d’une société rompue aux injonctions contradictoires, où le plus difficile est, au bout du compte, être soi-même.
Ample sans être ennuyeuse, souvent drôle mais parfois tragique, à la fois contemplative et bourrée de rebondissements, auteuriste mais interprétée par des stars nationales, The Actor est une série remarquablement déroutante.
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