Le 24 avril 2022, au bout d’une soirée de second tour d’élection présidentielle où flottaient davantage la tristesse et l’étouffement que la satisfaction des 13 millions de voix qu’elle avait recueillies, Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national (RN), avait appelé le chef de l’Etat tout juste réélu, Emmanuel Macron, lui faisant cette promesse : « Si l’on prend 3 millions d’électeurs tous les cinq ans, la prochaine fois, ce sera nous. » Deux ans ont passé depuis cette déclaration bravache et l’extrême droite frappe à la porte de Matignon.
A l’époque, la phrase ressemble à une promesse prononcée sans trop y croire ; Marine Le Pen ne pense pas à 2027, pas pour elle. La finaliste de l’élection présidentielle s’est terrée chez elle, loin de la presse et de ses partisans, quand la gauche capte le récit des législatives à venir. Le parti d’extrême droite, où rien ne se passe quand la patronne se retire, l’accompagne dans ce sommeil prolongé jusqu’aux scrutins législatifs des 12 et 19 juin 2022.
Qu’envisage-t-elle alors pour elle-même ? Pas grand-chose. Présidente d’un groupe sans poids, marginal ? « J’étais en première ligne en permanence, je ne veux plus l’être », dit-elle à ses proches. La campagne a été rude, perturbée par le phénomène médiatique Eric Zemmour ; le soir du premier tour, aussi, elle a tremblé jusque tard, inquiète de la remontée du vote en faveur de l’« insoumis » Jean-Luc Mélenchon, finissant à 400 000 voix derrière elle. Deux hommes qui, de son propre avis, ont joué un rôle dans la situation si favorable du RN deux ans plus tard.
Le 19 juin 2022, la trajectoire lepéniste rebondit comme une balle sauteuse : le front républicain se grippe, l’extrême droite remporte la majorité de ses duels face à la gauche et à la Macronie. « Les Français m’ont rappelé à leur bon souvenir ! », lance Mme Le Pen à ceux qui l’entourent, prolongeant la soirée électorale très tard, dans le bureau du maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), son ami Steeve Briois, où se succèdent les coups de fil des nouveaux députés du RN, certains inconnus de la présidente.
Ils sont 89, autant de porte-voix potentiels de son programme xénophobe, immuable sur l’immigration, si fluctuant sur le reste. Les finances du parti, qui vit d’expédients depuis des décennies, vont revenir dans le vert. Le groupe parlementaire du RN, qui eut toujours si peu à distribuer, devient le pôle d’attraction de la jeunesse diplômée de droite radicale.
Le changement de statut du RN
Au perchoir, on voit parfois un député lepéniste mener à la baguette un Hémicycle qui ne sait comment s’y prendre, avec ces gens cordiaux, encravatés, discrets, pas ouvertement racistes et qui citent le programme de Marine Le Pen comme on croit à l’Evangile. « Nous ne sommes pas là pour faire une longue carrière parlementaire. Nous sommes là pour conquérir le pouvoir, leur a-t-elle intimé lors de leur première visioconférence. Nous fabriquons en même temps un programme et des équipes de gouvernement. » Deux ans plus tard, peu de ministres potentiels ont émergé et le parti n’a toujours pas de député référent sur des sujets aussi cruciaux que la santé ou l’environnement. On les entend peu en commission, où la technicité des débats semble dépasser la plupart.
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