Emre Aydemir pousse un soupir de soulagement. Il a enfin retrouvé ses canards. Les fuyards pataugent dans une flaque d’eau au pied d’un des bâtiments blancs du quartier du Puits-la-Marlière, à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise). « C’est toujours étonnant de voir des canards en plein milieu de la cité », s’amuse le jeune homme de 18 ans à la barbe naissante.
En ce dimanche après-midi, deux chèvres, un coq et des oies déambulent sur le parking des logements sociaux, sans qu’aucun habitant du quartier de cette banlieue francilienne au nord de Paris s’en émeuve. Les résidents qui croisent Emre Aydemir saluent le lycéen qui, depuis deux ans, est à la tête d’une petite ferme pédagogique composée – entre autres – d’une dizaine de chèvres, d’un âne du Cotentin, de poules et de moutons. Le domaine est situé au cœur de ce quartier enclavé, à proximité de l’aéroport de Roissy.
Avec l’appui d’associations locales et de la mairie, l’élève de terminale entretient avec ses bêtes le Champ des possibles, une vaste prairie qui s’étend derrière les habitations. Chèvres et oies arpentent leur enclos, appelé « Terrain d’aventure ». Emre Aydemir dispose également d’un poulailler et d’enclos à proximité d’un petit bois au nord du quartier. Tous ces espaces verts sont la propriété du bailleur Val-d’Oise Habitat (VOH) et sont prêtés aux habitants dans un souci de végétalisation de la zone.
Sur son téléphone, le lycéen a suivi le mouvement de protestation des agriculteurs. Certains de ses amis lui ont proposé de se joindre aux blocages, mais il a décliné. « Ils bloquent les routes avec leurs gros tracteurs, imaginez-moi avec mes chèvres ! », dit-il en souriant. Et puis, entre ses cours et la douzaine d’animaux dont il doit s’occuper pendant son temps libre, il n’aurait simplement pas eu le temps.
Une passion enfantine qui a duré
Emre Aydemir, qui ne se considère pas vraiment comme un agriculteur mais plutôt comme un berger sensible au respect de l’environnement, comprend néanmoins leur colère : « C’est un métier très difficile qui demande beaucoup de courage. » Lui espère pouvoir œuvrer à la « préservation des espaces verts ». « Il y a de moins en moins d’animaux, il est vital de les réintégrer dans la nature », insiste celui qui rêve de lancer son entreprise d’écopâturage, un mode d’entretien des espaces censé limiter l’usage des machines et des pesticides.
Le jeune homme n’est pourtant pas fils d’agriculteur. Il a appris sur le tas. « Il a toujours aimé la nature et les animaux, se remémore sa mère, Ummuhan Aydemir, qui est descendue saluer son fils, dont la ferme n’est qu’à quelques mètres de l’appartement familial. Je pensais que c’était une passion enfantine passagère, mais, à mon grand étonnement, il n’a pas lâché prise. »
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