
La contestation se poursuivait, mardi 25 mars, en Turquie près d’une semaine après l’arrestation mercredi d’Ekrem Imamoglu, principal rival politique du président turc, Recep Tayyip Erdogan. Pour le septième soir consécutif, des dizaines de milliers de personnes ont convergé devant l’hôtel de ville d’Istanbul à l’appel de l’opposition, malgré l’arrestation de plus de 1 400 personnes depuis le début de la mobilisation. Sept journalistes ont été incarcérés.
Des milliers d’étudiants, la plupart le visage masqué de peur d’être identifiés par la police, ont également défilé sous les applaudissements de riverains dans un arrondissement de la ville dont le maire a lui aussi été incarcéré, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Des étudiants ont aussi manifesté par milliers à Ankara, la capitale, selon les images de médias turcs. L’interdiction de manifester reste en vigueur à Istanbul et dans d’autres villes turques.
Le chef du Parti républicain du peuple (CHP), principale force de l’opposition turque, dont est issu M. Imamoglu, a appelé à une mobilisation massive, samedi, à Istanbul. « Serez-vous au grand rassemblement de samedi pour soutenir Ekrem Imamoglu, pour vous opposer à [sa] détention (…) et dire que nous voulons des élections anticipées ? », a lancé le chef du CHP, Özgür Özel, à une foule réunie pour le septième soir consécutif devant la mairie d’Istanbul.
M. Özel a précisé que ce rassemblement aurait lieu à la mi-journée sur un vaste terrain du quartier de Maltepe, sur la rive asiatique d’Istanbul, et non devant l’hôtel de ville. Le chef du CHP a ajouté qu’il n’appellerait pas mercredi les manifestants à converger devant le siège de la municipalité d’Istantul, où il les conviait jusqu’ici chaque soir depuis l’arrestation, la semaine passée, de M. Imamoglu.
Un photographe de l’AFP déféré devant le tribunal
Les autorités ont annoncé, mardi matin, l’arrestation de 43 « provocateurs » après une nouvelle nuit de rassemblements dans plusieurs villes du pays, secouées par une contestation inédite depuis le mouvement de Gezi, parti de la place Taksim d’Istanbul, en 2013.
Au total, « 1 418 suspects ont été arrêtés pour l’heure lors de manifestations illégales depuis le 19 mars », a écrit sur le réseau social X le ministre de l’intérieur turc, Ali Yerlikaya, qui a également rapporté que 979 manifestants se trouvaient, mardi, en garde à vue, tandis que 478 personnes avaient été déférées devant des tribunaux.
Parmi eux figure Yasin Akgül, un photographe de l’AFP, interpellé, lundi, à l’aube, à son domicile. Un juge turc a ordonné, mardi, son placement en détention provisoire. Il est accusé d’avoir participé à un rassemblement illégal, ce qu’il réfute, affirmant n’avoir fait que couvrir la manifestation en question.
L’ONG Reporters sans Frontières a condamné ce qu’elle voit comme une « décision scandaleuse [qui] reflète une situation gravissime en cours en Turquie ». Le PDG de l’AFP, Fabrice Fries, a pour sa part appelé la présidence turque à « la libération rapide » de son journaliste. « Yasin Akgül ne manifestait pas, il couvrait comme journaliste l’un des nombreux rassemblements organisés dans le pays depuis mercredi 19 mars », a assuré M. Fries dans une lettre adressée à la présidence turque, en qualifiant l’incarcération du journaliste d’« inacceptable ».
Un procureur d’Istanbul a également demandé l’incarcération de six autres journalistes interpellés à leur domicile lundi, après avoir dans un premier temps requis leur libération sous contrôle judiciaire, selon l’avocat de l’un d’eux à l’AFP.
La France appelle à la libération d’Ekrem Imamoglu
Face à la contestation qui se poursuit, le gouvernorat d’Ankara, la capitale, a prolongé mardi jusqu’au 1er avril inclus une interdiction de manifester. Les autorités ont pris une décision similaire à Izmir, troisième ville du pays et bastion de l’opposition, jusqu’au 29 mars.
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Une même interdiction est en vigueur depuis six jours à Istanbul, et plusieurs dizaines de milliers de personnes l’ont de nouveau bravée, lundi soir, pour converger devant le siège de la municipalité. La police y a dispersé avec violence les manifestants, selon l’AFP.
Signe de l’onde de choc déclenchée par l’arrestation de M. Imamoglu, des manifestations ont eu lieu la semaine passée dans au moins 55 des 81 provinces du pays, d’après l’AFP.
L’ONU a exprimé mardi son inquiétude en raison des arrestations massives en Turquie : « Nous sommes très préoccupés par l’arrestation d’au moins 92 personnes par les autorités turques au cours de la semaine écoulée, dont Ekrem Imamoglu, le maire d’Istanbul, démocratiquement élu », a déclaré dans un communiqué Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
De son côté, la présidence française a demandé, mardi, la libération de M. Imamoglu et a appelé la Turquie à se comporter comme un « grand partenaire démocratique », tandis que les Etats-Unis ont exprimé leurs « préoccupations concernant les récentes arrestations et manifestations en Turquie ».