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Mardi 20 février en début d’après-midi, le tribunal correctionnel de Grenoble a débattu d’une question aussi rhétorique qu’essentielle : peut-on qualifier publiquement les événements du 7 octobre en Israël d’actes de résistance et non de terrorisme sans encourir une condamnation devant un tribunal français ? Mohamed Makni, 73 ans, retraité et élu municipal à Echirolles, dans la banlieue de Grenoble, a comparu devant une juge et deux assesseures et a dû s’expliquer d’un statut posté sur le groupe Facebook des Franco-Tunisiens de Grenoble, le 11 octobre 2023 : « Ils [les Occidentaux] s’empressent de qualifier de terroriste ce qui, à nos yeux, est un acte de résistance évident », avait-il écrit, reprenant sans guillemets une phrase tirée d’une tribune de l’ex-ministre tunisien des affaires étrangères Ahmed Ounaïes, dont M. Makni avait posté également le lien.
Renvoyé devant le tribunal pour « apologie du terrorisme », M. Makni comparaît libre. « Je suis surpris d’être là », dit d’emblée l’homme au crâne rasé et à la mise soignée. Il fait également part de ses « pensées à toutes les victimes », se présentant comme « un chantre de la paix » mais aussi « un militant anticolonial de naissance ». « Vous êtes un élu, une personne connue. Est-ce que vous ne pensez pas qu’en le relayant, vous ne cautionnez pas ce genre de message sans aucune précaution ? Pourquoi reprendre ces propos ? », le morigène la juge. « C’est pour attirer l’attention sur le fait qu’il y a une opinion ici et une opinion là-bas [en Tunisie]. C’est aux gens de se faire leur opinion », se défend-il.
La juge revient à la charge : « Pour vous, attaquer des civils, c’est un acte de résistance ? » « Je ne cautionne aucunement ce qui a été fait contre les civils, répond M. Makni. Mais quand j’entends des responsables israéliens dire qu’il faut balancer une bombe atomique sur Gaza ou que les Gazaouis sont des animaux humains… », répond le prévenu. Face aux explications embrouillées de M. Makni, la juge le coupe : « On n’est pas là pour faire de la géopolitique ou de l’histoire. »
Une assesseure revient à la charge : « Ici, on ne parle que du 7 octobre. Est-ce que ce qui s’est passé est terroriste ou pas ? » Décontenancé, bousculé, M. Makni réagit maladroitement : « Si je ne m’appelais pas Mohamed, je ne serais pas là. » Le tribunal se crispe. L’interrogatoire des deux avocats des parties civiles, l’Organisation juive européenne (OJE) et le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) Grenoble-Dauphiné, enfoncent le clou : « Est-ce que le 7 octobre est légitime ou pas ? », l’interroge une avocate. Il rétorque : « C’est un conflit qui dure depuis soixante-quinze ans. » Il évoque aussi le « deux poids-deux mesures de la France ». La juge : « Je ne vais pas me répéter douze mille fois. On juge uniquement de ce qui s’est passé le 7 octobre. Pas la politique de la France. »
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